→ Comment les réseaux sociaux alimentent la discorde familiale entre parents et adolescents ?


L’adolescence est une période charnière dans la vie d’un enfant, elle représente le passage à l’âge adulte et non sans encombre. La traditionnelle « crise d’adolescence » plus ou moins exprimée et virulente impacte les relations jusque-là « faciles » au sein de la famille. À l’ère du numérique, de nouvelles difficultés s’y ajoutent. L’acquisition d’un smartphone personnel offre aux adolescents une liberté virtuelle qui échappe à leurs parents. Entre incompréhension générationnelle et isolement, les réseaux sociaux créent un fossé communicationnel dans une période déjà propice aux conflits.

Toujours dans une quête d’autonomie et d’émancipation, les réseaux sociaux sont, pour un adolescent, un pas vers l’affirmation de sa personnalité et de ses opinions. Un tournant difficile à prendre pour certains parents encore très peu connectés. La quête de l’approbation est centrale pour un jouvenceau influencé par le regard des autres. Une légitimité qu’il peut facilement obtenir en ligne à travers l’engagement de ses amis (likes, commentaires, nombre de followers).
« Les adolescents ont besoin, pour se construire, de rejeter l’influence de leurs parents ; et de s’appuyer sur des alter egos de leur âge, dans des groupes, notamment ». Claude Halmos. Psychanalyste
Et les réseaux sociaux sont un lieu de sensibilisation très important. Cette utilisation méconnue peut frustrer certains parents, se sentant dépassés par cette vie intangible construite par leurs enfants. Même si certains se sont déjà mis à la page, le digital est un sujet en constante évolution, il est difficile de se retrouver dans la multitude de plateformes et de nouvelles fonctionnalités qui émergent perpétuellement et extrêmement rapidement. Une situation qui met bon nombre de parents dans l’embarras, quand il s’agit d’entamer une démarche de compréhension et d’encadrement des réseaux sociaux auprès de leur enfant. Ce sujet les place en position de méconnaissance, perdant ainsi leur posture d’autorité et qui les freine dans leur rôle d’éducateur.

Un rôle d’éducateur, mais avant tout de protecteur. En effet, selon les chiffres de l’éducation nationale, 6 à 10% des élèves sont victimes de harcèlement à l’école. Avec un téléphone en main et les réseaux sociaux, le harcèlement ne s’arrête pas aux portes de l’école, il continue à la maison, derrière l’écran. L’anonymisation désinhibe l’humain, qui peut facilement activer moins de barrières dans le contrôle de son langage. Même si des outils de modération sont de plus en plus mis en place sur les chat en direct, les messages privés y échappent encore. Mais d’autres risques subsistent, les relations parasociales développées avec des influenceurs ou célébrités créent un sentiment de proximité avec ces stars des réseaux. Cette fausse amitié peut frustrer les jeunes en plein développement de leur soi et va les pousser au mimétisme, dans l’espoir d’atteindre la perfection physique et le confort matériel qu’ils voient chez leurs idoles. « Sur les réseaux, on peut convaincre sans preuves, parce que le nombre d’adhésions fait loi. Et l’immédiateté n’encourage pas à réfléchir, et à construire une pensée. Ce qui peut d’ailleurs favoriser la crédulité ». Claude Halmos. Psychanalyste. Du côté des parents, ce procédé crée une incompréhension supplémentaire, ils voient parfois leurs enfants changer leur comportement, leurs envies, leur alimentation et entrer dans des schémas destructeurs ou d’isolement.

Les réseaux sociaux jouissent également de bon nombre de procédés créés pour nous faire rester un maximum de temps sur l’application. Univers de jeu sans fin, scroll infini… Ce qu’on appelle les dark pattern sont des sortes d’interfaces créées pour nous induire dans une pratique qu’on ne contrôle pas forcément, ou dont nous ne sommes pas conscients. Ces dark pattern encouragent l’addiction, par le binge watching et l’oubli de la temporalité. Ainsi, l’utilisation des réseaux sociaux coupe réellement la communication avec le monde extérieur, en plaçant l’utilisateur dans une bulle fermée au monde dans laquelle le temps et les interactions sociales réelles n’existent plus. L’utilisateur est alors placé dans un entre-deux paradoxal dans lequel il est isolé à l’extérieur, et ultra-sollicité à l’intérieur. Autre sujet de discorde familiale qui peut radicalement rompre les liens entre parents et enfants, dans les deux sens cette fois, car les parents ne restent pas épargnés par ces « pièges digitaux » mais parviennent aussi très bien à s’en créer eux-mêmes. Par exemple en trouvant des techniques pour continuer à jouer à Candy Crush malgré leurs 5 vies épuisées.

Pour conclure, la relation entre parents et adolescents est déjà attendue comme une étape pour la famille, les réseaux sociaux et l’usage qu’en font les adolescent est déroutant pour les parents qui se retrouvent dépourvus de leur rôle d’éducateur, par des incompréhensions de nature générationnelle et du point de vu des usages. Écouter son enfant parler de ce sujet qui le concerne directement peut-être une solution pour renouer la communication et permettre aux parents d’encadrer davantage sa consommation.