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L’enquête

« Là où les mondes ne cessent pas de changer et les peuples de se mélanger, la négociation devient la relation qui fonde, rend possible et façonne l’enquête, et, à l’inverse, l’enquête est la première forme de la représentation, dans le double sens de ce terme: c’est en enquêtant qu’on peut à la fois connaître et donc décrire le réel mais aussi en devenir porte-parole. » Emanuele Coccia

Celle-ci vise à nous donner la possibilité de descriptions les plus précises possibles. L’enquête est personnelle, mais des co-enquêteurs peuvent se désigner. A partir du « caillou » que nous avons identifié, qui nous est personnel, il faut mener une collecte, une enquête pour nous permettre d’explorer, à partir de ce sujet, le réseau des attachements sur lequel ce sujet mène. Et donc de distinguer les différents actants, objets, instances, êtres concernés, mobilisés ou à mobiliser. Comme le propose Bruno Latour, il s’agit de «  … décrire, d’abord chacun pour soi, puis en groupe, ce à quoi nous sommes attachés ; ce dont nous sommes prêts à nous libérer ; les chaines que nous sommes prêts à reconstituer et celles que, par notre comportement, nous sommes décidés à interrompre. »
L’enquête est donc une invitation à réapprendre à observer finement, à sentir, à distinguer ce par quoi nous sommes affectés, à décrire le terrain où nous sommes. Ce travail d’enquête, pixel par pixel, détail par détail, permet de redonner une capacité d’action, une puissance d’agir au territoire d’appartenance qui se reforme.
La description comporte des explorations des liens, des relations, des rétroactions. Elle demande des rencontres, des négociations, de la curiosité mais aussi de la diplomatie dans les rencontres. Cette description ne se limite bien évidemment pas aux agents humains, elle demande d’aller à la rencontre d’autres qu’humains. Comment leur donner parole, comment comprendre leurs intérêts, comment les représenter ? Il faudra répondre à cette description en nous engagant : « plus votre description devient précise, plus elle vous oblige ».
Les sources d’information sont comparées, des controverses apparaissent, des intérêts contradictoires se révèlent, des tensions prennent corps. Le tableau devient tendu, vivant, complexe, conflictuel.
Le travail d’enquête nous met à l’œuvre de composer un monde. « Il n’y a pas de monde commun. Il n’y en a jamais eu. Le pluralisme est avec nous pour toujours. Pluralisme des cultures, oui, des idéologies, des opinions, des sentiments, des religions, des passions, mais pluralisme des natures aussi, des relations avec les mondes vivants, matériels et aussi avec les mondes spirituels. ». Nous rencontrons de multiples mondes lors de notre démarche, nous rencontrons le pluralisme, reconnu comme essentiel, mais nous tentons, nous risquons la composition d’un monde commun, même si « On ne s’accordera jamais ; et pourtant il faut s’accorder. Il n’y a pas d’habitat commun ; et pourtant il faut cohabiter. »

Pour bien enquêter, il faut se préparer un schémas d’enquête et prévoir un récit d’enquête.
C’est-à-dire préparer soigneusement ce sur quoi nous devons nous renseigner, les personnes à rencontrer, le type de questions à poser, comment nous allons évaluer les liens, … Mais aussi être attentif à ce que nous allons retenir de nos recherches, prendre des notes, comment exprimer l’expérience des rencontres, les doutes et émotions, les moments difficiles et les riches d’enseignement.
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