L'Association des Communs


Fondée en Décembre 2018 à Guéret, l'Association des Communs s'est donné pour but de "promouvoir des valeurs de partage et de solidarité et de développer la résilience et l’autonomie de chacun, en forgeant des liens entre communautés et corps de métiers et en les réunissant dans un espace propice à l’apprentissage, l’échange et l’expérimentation."

En nous basant sur les travaux de Garett Hardin et Elinor Ostrom autour des biens communs et de leur gestion, nous souhaitions proposer un espace où réflexion et action concrète pourraient se mélanger pour mener à une ré-appropriation par les habitants des sujets et espaces qui les concernent. Par la rencontre, le partage et le développement de méthodes de gestion consensuelles, nous espérons voir émerger un renouveau de la mobilisation et de l'expression citoyenne.

Les Communs, c'est quoi?

La première affirmation des commons est née du mouvement des enclosures dans l’Angleterre du XIIIe au XVIIe siècle. L’édification de ces parcelles de terrain, encloses de haies ou de murs par la volonté de leurs propriétaires, afin d’en accroître le rendement pour l’élevage, a eu pour conséquence directe de priver les habitants les plus pauvres de l’accès, pourtant concédé par la coutume et par un droit d’usage, aux ressources vitales telles que le bois et autres produits de la nature. Le mouvement des enclosures entraîna le départ pour la ville des paysans ainsi exclus et contribua au déclenchement des révoltes lors de la guerre civile anglaise de 1647.

La notion de communs ne réapparaîtra que plusieurs siècles après, à l’occasion de la publication, dans la revue Science en 1968, de l’article de Garrett Hardin intitulé La Tragédie des communs. Le biologiste américain entend résoudre le dilemme inhérent à l’exploitation des ressources naturelles (pêche, pâturage) : que celles-ci soient en libre accès ou attribuées à une communauté, chaque individu tire un bénéfice pour lui-même de l’utilisation des biens communs, mais les dommages causés par leur surexploitation ruine l’ensemble de la communauté. Selon Hardin, la seule solution pour remédier à ce paradoxe, et préserver ainsi les communs, serait de leur attribuer des droits de propriété, privés ou publics selon les cas.

Entre l’Etat et le marché, il existerait une troisième voie, faisant des communs une catégorie hybride entre biens privatifs et biens collectifs. C’est ce qu’a démontré l’américaine Elinor Ostrom, professeur de sciences politiques à l’université de l’Indiana, en brisant la conception pessimiste, et largement admise, des communs, notamment par la publication en 1990 d’un ouvrage intitulé Governing the Commons : The Evolution of Institutions for Collective Action. En 2009, elle recevra le prix Nobel d’économie pour l’ensemble de ses travaux sur les communs.

Directeur du programme de recherche ANR Propice (propriété intellectuelle, communs et exclusivité) achevé en 2013 et publié aux éditions LLL en 2015, Benjamin Coriat, professeur de sciences économiques, propose la définition suivante des communs à partir de l’étude des textes d’Elinor Ostrom : « Ensembles de ressources collectivement gouvernées, au moyen d’une structure de gouvernance assurant une distribution des droits entre les partenaires participant au commun (commoners) et visant à l’exploitation ordonnée de la ressource, permettant sa reproduction sur le long terme. »

Un des points fondamentaux de la théorie des communs forgée par Elinor Ostrom est de reconsidérer le régime de la propriété. Entre le droit exclusif relevant de la propriété privée et l’ouverture à tous d’un bien public, elle montre qu’il existe un « faisceau de droits » (bundle of rights) – le droit d’accès, le droit de prélèvement, le droit de gestion, le droit d’exclure et le droit d’aliéner (céder un des droits précédents) – répartis différemment entre les associés au partage d’une ressource, selon qu’ils sont propriétaires avec ou sans droit d’aliénation, détenteurs de droits d’usage et de gestion ou usagers autorisés.

Selon Elinor Ostrom, des organisations sociales parviennent ainsi à gérer, en les partageant tout en les protégeant, des ressources communes. Les règles de gestion peuvent être informelles, mais l’implication des individus concernés est toujours forte. De ses recherches empiriques sur les modes de gestion des communs, Elinor Ostrom a défini huit principes fondamentaux, résumés ainsi par l’enseignant-chercheur Hervé Le Crosnier :

- des groupes aux frontières définies ;
- des règles régissant l’usage des biens collectifs qui répondent aux spécificités et besoins locaux ;
- la capacité des individus concernés à les modifier ;
- le respect de ces règles par les autorités extérieures ;
- le contrôle du respect des règles par la communauté qui dispose d’un système de sanctions graduées ;
- l’accès à des mécanismes de résolution des conflits peu coûteux ;
- la résolution des conflits et activités de gouvernance organisées en strates différentes et imbriquées.

Chaque commun possède des caractéristiques propres. En revanche, les communs en général se définissent principalement par les relations qui s’établissent entre les individus ou communautés pour la gestion des ressources, et non simplement par les ressources elles-mêmes. « Ce qui est alors ouvert au partage n’est pas seulement une ressource, explique Hervé Le Crosnier, mais bien un agencement social particulier ; en conséquence, la préservation de la ressource passe par la prise de conscience des interactions sociales qui permettent le partage. »

Si les travaux sur les communs ont porté initialement sur des biens fonciers et locaux, le champ d’études de l’Ecole de Bloomington, créée par Elinor Ostrom, s’est logiquement élargi aux ressources naturelles vulnérables, à l’échelle de la planète, que sont le climat, la biodiversité, les forêts ou les océans, baptisés communs globaux.