La trame turquoise et la renaturation du ruisseau



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Trame turquoise= trame verte + trame bleue
La trame turquoise:

La trame verte et bleue (TVB) est une démarche qui vise à maintenir et à reconstituer un réseau d’échanges pour que les espèces animales et végétales puissent, comme l’être humain, circuler, s’alimenter, se reproduire, se reposer… et assurer ainsi leur cycle de vie. Favoriser de vastes espaces verts et des jardins connectés entre eux par des structures végétalisées au sein de la matrice urbaine est devenue une préoccupation essentielle pour penser les villes aujourd'hui. La trame turquoise est constituée par la superposition de la trame verte et de la trame bleue, elles intéragissent à cet endroit très fortement. Ces corridors écologiques sont indispensables au bon déroulement du cycle de vie de certaines espèces d’amphibiens, d’insectes, d’oiseaux ou de mammifères qui ont besoin à la fois des milieux aquatiques et des milieux terrestres et constituent de véritables réservoirs de vie(s).

La ville avec son urbanisation incessante, a fragmenté les espaces occupés par les autres vivants, détruit des écosystèmes et entrainé un effondrement de la biodiversité. La ville s'est développée en opposition avec la nature. Le dérèglement climatique, les épisodes de canicule, l'assèchement des nappes phréatiques et des cours d'eau obligent les politiques publiques à repenser l'organisation de ces espaces isolés. Initiée par le Grenelle de l'environnement de 2007, la trame verte et bleue porte l’ambition d’inscrire la préservation de la biodiversité dans les décisions d’aménagement du territoire, contribuant à l’amélioration du cadre de vie et à l’attractivité résidentielle et touristique.

La faune et la flore intéragissent entre elles et maintiennent les conditions de vie nécessaires à toutes les espèces. La vie des citadins est ainsi aussi liée à la qualité de la biodiversité. L'enjeu pour les politiques publiques urbaines est de trouver le meilleur compromis entre ce qui est souhaitable pour la biodiversité, ce qui est économiquement possible et ce qui est compatible avec le mode de vie et la perception des citadins. Les plantes des villes aident à améliorer la qualité de l'air, de l'eau et du sol. Les arbres en particulier absorbent des quantités non négligeables de polluants. Aussi, l'évapotranspiration des feuilles d'arbre a un effet de refroidissement local qui permet de conserver une température supportable à leur proximité. La nature insérée dans le milieu urbain procure des bénéfices psychologiques et physiques. Outre ces visions utilitaires basées sur le service que la nature permet à l'être humain, préserver la biodiversité en ville est aussi un moyen de protéger des espèces que l'étalement urbain menace.

Le ruisseau Caravelle-Aygalades constitue une trame turquoise. Le collectif des Gammares participe à la restauration écologique du ruisseau. Avec les habitants, avec les différents acteurs riverains du ruisseau et en lien avec les pouvoirs publics. En proposant des actions communes et en partageant des connaissances; moyen d'action pensé au travers multiples formes.

Les différentes institutions politiques mettent en place des programmes pour soutenir des initiatives et encourager les partenaires culturels et sociaux à développer des projets autour des trames vertes et bleues et des enjeux qui lui sont liés. La région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur avec le programme Nature 4 City Life aide les citoyens dans cette démarche de réhabilitation de la nature en ville. Leur site internet présente le projet: "vise à renforcer l’adaptation des espaces urbains aux impacts des changements climatiques grâce au développement et à la valorisation de la nature en ville. Au travers d’un partenariat fort et innovant entre les métropoles de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le projet permet de démontrer les services rendus par la nature en milieu urbain et d’apporter ainsi des solutions concrètes pour toutes les villes méditerranéennes et au-delà !"

La renaturation du ruisseau

Favoriser la biodiversité, redonner une place aux vivants, améliorer les constats écologiques afin de retrouver les services écosystémiques nécessitent de renaturer des espaces et de les connecter entre eux. Le projet d'aménagement Euroméditerrannée initié par la ville de Marseille avec le concours de l'Etat met actuellement en oeuvre la phase 2.
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Illustration représentant le ruisseau dans le futur parc de Bougainville
Les travaux de construction pour le parc de Bougainville , à côté de la station de métro du même nom, commencent en 2021. Cette première étape d'un projet de renaturation plus vaste répond à de multiples attentes pour tenter d'endiguer les enjeux sociétaux qui s'amorcent. Une trame verte de 14 hectares, le parc des Aygalades, figure sur le projet d'aménagement d'Euroméditerranné 2 en amont du parc de Bougainville. Sa construction devrait démarrer en 2026.
Afin de prévoir au mieux ses installations, un partenariat a été établi entre l’Etablissement Public d’Aménagement Euroméditerranée (EPAEM) et l’Institut Méditerrannéen de Biologie et d'Ecologie Marine et Continentale (IMBE) afin de réaliser l’étude sur la caractérisation des potentialités écologiques du ruisseau des Aygalades. Cette unité de recherche au sein de l'université d'Aix-Marseille étudie et évalue la fragilité et la vulnérabilité des anthroposystèmes face aux discontinuités écologiques. Les fortes pressions anthropiques (pollution, endiguements, etc.) supportées par les rivières urbaines, à l’instar du ruisseau des Aygalades, constituent de bons modèles permettant non seulement de comprendre les adaptations de la flore et de la faune, mais aussi de développer une méthodologie visant à évaluer les démarches de réhabilitation ou de renaturation de ces cours d’eau. Le partenariat entre l'EPAEM et l'IMBE, projet d’écologie globale, permet d’engager une démarche collaborative innovante entre les deux établissements visant à croiser les approches des écologues et des aménageurs porteurs d’une demande sociétale.

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Le futur parc des Aygalades en amont de celui de bougainville
En effet, suite à une proposition des paysagistes d'Ici-là , le passage du ruisseau sera intégré au parc, le rendant visible et proche des riverains: "C’est sur le secteur Sud du Parc que le cours d’eau sera reconstitué. Il s’agira de « retrouver le ruisseau » des Aygalades dans sa situation « naturelle ». Le canal bétonné existant dans lequel coule le ruisseau sera transformé en espace planté accueillant le cours d’eau renaturé. Sa place sera fondamentale dans le projet puisque le parc est conçu autour du cours d’eau remis à son état naturel. Ces aménagements permettront une emprise nouvelle confortable qui offrira aux promeneurs la possibilité de s’approcher au plus près de l’eau." Actuellement, le ruisseau est canalisé dans un chenal de béton puis enterré jusqu'à son embouchure.

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Schéma d'intention des constructions du parc. Vue aérienne














Le bon état écologique de l'eau conditionne le passage du ruisseau dans le parc. Les pollutions et les pressions anthropiques sont les principales causes du mauvais état écologique du ruisseau. Selon le rapport de l'IMBE, pour garantir une qualité d’eau convenable et satisfaire les attentes en matière de bon état écologique. Il est indispensable de :

- Annihiler la pollution ionique et Imposer un sevrage chimique par la déviation ou le traitement de l’effluent industriel de Spi-pharma
- Dépolluer les sols en amont pour résorber les pollutions métalliques au cuivre
et à l’Arsenic
- Dépolluer les sols en aval pour résorber la pollution métallique au chrome
- Rétablir un régime hydraulique naturel ; le débit naturel garantit un hydrodynamisme qui fluctue suivant un rythme saisonnier et par corollaire permet aux organismes aquatiques de s’y développer, s’y maintenir, s’y adapter (actuellement, le débit est artificialisé par l’entreprise Lafarge)
- Mise à ciel ouvert du cours d’eau en supprimant les parties busées pour retrouver plus de naturalité et rompre les discontinuités
- « Renaturaliser » les zones bétonnées sur certains secteurs du chenal pour recréer de l’hétérogénité dans les habitats aquatiques et des échanges verticaux avec la zone souterraine
- Maintenir les fragments d’habitats semi-naturels dans la matrice urbaine et les communautés végétales diversifiées pour tempérer les impacts de l’anthropisation, participer au maintien d’une flore native et freiner l’installation d’espèces introduites
- Maintenir les berges à hélophytes qui jouent un rôle mécanique de protection du pied de berge et constituent un habitat pour la faune aquatique en procédant à un débroussaillage sélectif ou à une coupe hivernale des ligneux pour éviter la fermeture du milieu par A. donax et R. ulmifolius
- Diversifier les strates de végétation pour éviter les risques d’érosion des berges, et accroître la richesse totale en élaguant ou en effectuant des coupes sélectives puis en plantant des espèces natives arbustives (par exemple, Cornus sanguinea, Crataegus monogyna, Euonymus europaeus...)
- Arracher ponctuellement Hedera helix couplé à la replantation d’espèces natives (sous-)arbustives
- Réaliser des actions d’éradication pour les espèces invasives (techniques propres à chaque espèce) et replanter successivement des espèces natives en respectant leur système racinaire et leur tolérance à la proximité au lit mineur
- Utiliser les jardins privés, les parcs urbains et les friches du bassin versant,comme « patchs relais » dont la qualité écologique pourrait être améliorée et qui rendraient possible une dispersion par saut de la flore native, diminuant
ainsi la résistance de la matrice urbaine et l’isolement des berges.
- Nettoyer régulièrement les berges (retrait des déchets) pour limiter les risques d’introductions et d’invasions biologiques

Ces améliorations et ce retour « à la naturation » de la rivière accentuera le phénomène d’auto-épuration qui se déroule dans chaque écosystème aquatique naturel et non soumis à la pression anthropique. Cette étude, menée par l'IMBE, a permis de diagnostiquer l’état écologique de ce ruisseau qualifié d’orphelin et de proposer des actions et des pistes d’amélioration ce qui est un premier point très positif. Ces propositions doivent conduire à des actions ambitieuses pour réduire de manière suffisamment drastique les polluants chimiques et métalliques in fine obtenir des résultats tangibles et immédiats sur la qualité du ruisseau. La priorité doit être orientée sur des pratiques vertueuses diminuant massivement les apports d’ions et les excédents de produits dérivés de l’industrie pharmaceutique. Il serait cependant intéressant de pouvoir déterminer la part de l’effet dilution de celle de l’autoépuration, et de savoir si les apports externes en eau (eaux de pluie, ruissellements, déversements ...) sont aussi sources pollution ou si au contraire on peut dire qu’ils participent à l’effet dilution.


Cependant, de nombreux travaux se sont penchés sur la restauration de ces milieux aquatiques et ont permis de mettre en exergue certains avantages et inconvénients liés à ces opérations a priori bénéfiques pour l’homme et la nature. L’augmentation du nombre d’habitats aquatiques permet d’accroître la biodiversité, par contre le lien de cause à effet entre diversité d’habitats et fonctionnement des rivières urbaines est encore mal compris. Il apparait que la température et la couverture végétale des berges, voire des marges, permettent d’expliquer en partie le recyclage des nitrates (Sudduth et al. 2011). Quelques études se sont intéressées aux avantages liés à la remise à jour des cours d’eau busés comme une meilleure colonisation de l’aval à l’amont des rivières par les insectes adultes aériens (Blakely et al. 2006). La présence de lumière peut permettre également une assimilation plus importante des nitrates par les producteurs primaires (algues, cyanobactéries, macrophytes). Les inconvénients pourraient être une production primaire conséquente, qui aboutirait à des proliférations avec des risques d’eutrophisation et d’anoxie accrus (Klose et al. 2012). Ces proliférations algales conduiraient à des nuisances olfactives et visuelles et à des risques sanitaires (moustiques, toxines) pour les riverains. Chou (2013) conclut que l’argument de la remise à jour des cours d’eau est d’autant mieux apprécié par les populations riveraines que la qualité de l’eau est bonne.

La métropole Aix-Marseille Provence, responsable de la compétence Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations (GEMAPI), a en charge la renaturation du ruisseau le long de son cours au travers du Plan Pluriannuel de Gestion et d'Entretien (PPGE).
Plusieurs actions sont prévues pour répondre à cet objectif:

Télécharger le fichier Plan_Pluriannuel_de_Gestion_et_d'Entretien.pdf

La gestion des plantes envahissantes est l'objet de controverse. Elles sont considérées comme une cause d'érosion de la biodiversité à cause de leur propagation au détriment d'autres espèces et sont des fois moins adaptées au milieu dans lequel elles s'installent. Par exemple, de courtes racines ne retiennent pas aussi bien les berges que de longues racines et cela peut même favoriser leur détérioration. Ainsi, tous les scientifiques, jardiniers et paysagistes ne s'expriment pas d'une seule voix. Certains préconisent d'arracher ces espèces dites invasives. Cependant, avec l'action pollinisatrice du vent et de la faune, elles repoussent malgré tout et rendent ainsi ces opérations insatisfaisantes et excluantes. D'autres experts préfèrent tenter de les limiter ou de les éliminer avec des solutions écologiques de sorte à inclure toutes les dynamiques systémiques. L'expansion de ces plantes peut être provoquée par de multiples facteurs: réchauffement climatique, pollution, brassage planétaire... Apprendre à boiser et jardiner avec toute la flore présente peut apparaître comme une solution plus viable que celles le plus communément répandues.

Afin de participer au processus d'auto-épuration des eaux du ruisseau, la Cité des Arts de la rue, a planté des plantes phyto-épuratrices. Cette démarche permet de tester une opération dépollutive, bien que pour l'instant isolée sur le cours, sensibiliser les publics, et contribuer à la valorisation du ruisseau.

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Plantes phytoépuratrices plantées en mai 2021 dans le jardin de la cascade à la Cité des Arts de la Rue
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Plantes phytoépuratrices plantées en mai 2021 dans le jardin de la cascade à la Cité des Arts de la Rue
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Plantes phytoépuratrices plantées en mai 2021 dans le jardin de la cascade à la Cité des Arts de la Rue