Pollutions et macrodéchets
On peut voir que, sur une grande partie du linéaire, le ruisseau est ouvert, ce qui, malheureusement, engendre une pollution domestique et industrielle très importante. Cette pollution est un vrai fléau pour le ruisseau car elle entraîne des modifications chimiques de l’eau, empêchant la vie de s’y développer.
Aussi, les usines et industries qui bordent le ruisseau depuis le XIXème siècle ont largement contribué à le polluer en déversant les résidus de leur production à la manière d'un égout . Ces contaminations dans les sols persistent encore aujourd'hui et des entreprises riveraines continuent à le polluer directement, avec les rejets de leur production, ou indirectement. Aux Aygalades, des plateformes de traitement de déchets chargés de les broyer, rejettent sans cesse dans les airs une poussière toxique qui retombe sur les sols et dans le ruisseau.
Ci-dessous, un aperçu de l'état des berges aux abords du ruisseau. Sont visibles: les déchets plastiques et les polluants chimiques de la production pharmaceutique par l'entreprise SPI Pharma qui forment des traces blanches,
Les macro-déchets
La pollution causée par les macro-déchets est croissante plus l’on va vers l’aval, et devient omniprésente lors des rares apparitions du cours d’eau en ville. Une partie de cette pollution est filtrée à Saint-Antoine et à Gèze grâce à des dégrilleurs qui assurent le retrait des matériaux et macro-déchets reçus par le cours d’eau sur son parcours amont. Le reste est directement déversé dans la mer Méditerranée.
Le dépôt sauvage, le vent et les crues sont autant de facteurs qui entrainent cette pollution dans le ruisseau. Dans le jardin de la cascade, à la Cité des Arts de la Rue, il est possible d'observer des vestiges de l'histoire qui révèlent la nature des couches géologiques: des étages de bouteilles d'huile, des sacs plastiques fermement implantés dans le sol. Certains déchets peuvent être ramassés, d'autres, profondément incrustés, composent désormais les berges.
Des ramassages éco-citoyens sont organisés deux fois par an avec l'association Mer-Terre .
Le 4 juin 2021, 802,90 kg de déchets ont été ramassés soit 9290 litres! Ci-dessous, le détail de la collecte. Effectuée sur 1 km, elle a mobilisé 60 personnes pendant 5 heures:
Parmi ces des déchets, à titre indicatif certains peuvent être cités:
- 180 bouteilles en verre, 10 cannettes en métal, 130 bouteilles en plastique, 3 pneus, 29 bouchons en plastique, 4 masques, 11 pailles, 1 vaisselle en plastique, 2 déchets de la marque Mc Donald et 6 de la marque Capri Sun.
A Marseille, en 2021, le top des déchets:
Les déchets de Capri Sun ne sont ni biodégradables ni recyclables... Ils sont fabriqués avec la même matière que celle prévue pour la nourriture des cosmonautes. Cet emballage très léger permet de réduire les coûts de transport pour le fabricant mais ce choix de production participe à polluer la planète de façon irréversible! C'est pourquoi, le collectif SAFI a voulu pointer du doigt ce déchet et mettre en lumière sa toxicité.
En 2019, la première balade du Capri Sun a été retranscrite. Vous pouvez télécharger son récit: Rcit_Balade_du_Capri_Sun_Opration_Plastic_Valleydocx.pdf (93.9kB)
En 2021, la balade du Capri Sun a encore collecté de nombreux exemplaires abandonnés...
Un capri sun, comme un diamant parmi les déchets... Dessin de Stéphane Brisset, membre du collectif SAFI
La pollution industrielle
Cette pollution des eaux des rivières urbaines est due à l’imperméabilisation des sols et aux rejets plus ou moins directs des eaux usées domestiques et industrielles. Les questions de gestion sur l’assainissement des villes ne sont pas récentes. En Europe, la première loi sur l’eau date de 1964, s’ensuit d’autres réglementations et plus récemment, la mise en place de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE, 2000) qui vise le bon état écologique des eaux de surfaces (Zgheib, 2011). Pour les Eaux Résiduaires Urbaines (ERU), une directive européenne (1991) oblige les Etats-membres à s’équiper de systèmes de collecte et de traitements des eaux usées domestiques (Zgheib, 2011). Les risques écologiques de ces effluents sont en grande partie maîtrisés par les traitements réalisés dans les stations d’épuration. Cependant, des contaminants émergeants ont de réels impacts sur les compartiments des milieux aquatiques, tels que les résidus médicamenteux peu éliminés lors du traitement des eaux (Budzinski & Togola, 2006). De plus, leur gestion et les effets synergétiques restent mal connus (Thomaidi et al., 2015). La nature des rejets liquides provenant des industries est conditionnée par les procédés utilisés et leur activité intrinsèque. Les rejets seront de nature différente s’il s’agit d’une raffinerie ou d’une industrie agroalimentaire. De la même manière, le traitement de ces rejets dans les milieux récepteurs est une préoccupation importante de la part des industriels qui sont soumis à des réglementations. De façon récurrente des sous-produits issus de la dégradation de la molécule mère apparaissent et peuvent être plus toxiques que ces dernières (Djelal et al., 2008). L’imperméabilisation des sols engendre des Rejets Urbains par Temps de Pluie (RUTP). La pluie génère des flux qui transporte des éléments polluants accumulés par temps sec et provenant conjointement des rejets liés aux activités humaines (poussières et gaz atmosphériques) mais aussi au lessivage des réseaux routiers et d’assainissement (Parent-Raoult & Boisson, 2007). Ces RUTP, bien qu’épisodiques, peuvent générés des effets chroniques liés aux répétitions de ces évènements (Parent-Raoult & Boisson, 2007).
L'IMBE a répertorié de nombreuses pollutions physico-chimiques tout le long du cours du ruisseau : azote, phosphore, fer, zinc, manganèse, nickel, cuivre, arsenic, argent, cobalt particulaire, cadmium, molybdène, lithium chlorophylle et phéopigments, aluminium, pesticides, plomb, baryum. Une étude comparative a mis en relief que la majorité des métaux (plomb, cuivre, zinc et cadmium dissous) a des concentrations au-dessus des valeurs retrouvées dans les autres rivières urbaines de la métropole; tous les métaux présentés ont des valeurs nettement supérieures en particulaire. En amont: le cuivre et le plomb. Puis, l'arsenic, à la station 2 de prélèvement des eaux pour analyse, au niveau de SPI Pharma. Enfin, le chrome en aval, au niveau d'Arenc.
La pollution au chrome, substance cancérigène et mutagène, découverte quelques années en arrière, est révélatrice des débordements industriels que subissent le ruisseau, ses berges et ses riverain.e.s depuis le début de l'ère industrielle. Suspectée en 2013 puis confirmée en 2017, c'est un défaut d'étanchéité des cuves de l'industrie Protec Métaux Arenc qui a provoqué cette catastrophe. Les pollutions historiques sont encore aujourd'hui bien présentes dans les relevés scientifiques et perturbent ce milieu fluvial. Toutes ces pollutions engendrent une qualité chimique très médiocre et néfaste pour les potentialités écologiques.
Longtemps, les résidus de la production ont été évacués directement dans le cours du ruisseau. Les fumées dégagées par les combustions des usines ont largement contribué à polluer les sols et les eaux souterraines, comme celles issues de la production de soude dans les collines de Septèmes-les-Vallons. Le terril de boues rouges, résidus de l'industrie de bauxite pour extraire l'alumine et créer l'aluminium, s'affaisse dans le ruisseau et y plonge les métaux lourds qu'elles contiennent : plomb, mercure, chrome. Aussi, leur forte basicité, salinité et sodicité empêchent ou freinent très fortement une renaturation spontanée.
Malgré ces connaissances et la perception de ces problématiques, des rejets chimiques et des causes de pollution persistent encore de nos jours. Près de la source du ruisseau Caravelle-Aygalades, malgré l'arrêté pris par les pouvoirs publics obligeant l'industrie pharmaceutique SPI Pharma à relier son système d'épuration au réseau d'assainissement de la ville de Marseille, cette industrie continue à rejeter ses effluents dans le ruisseau. Cela condamne fortement le milieu écologique :
- Le rapport sur la qualité des eaux et sur la biodiversité mené par l'IMBE annonce qu'une température très élevée au niveau de la station installée près de SPI pharma a été relevée. Elle avoisine les 25 °C tandis que 13°C s'affiche en amont. Après son passage par SPI Pharma, la température rechute jusqu'à l'embouchure. Or, la température de l’eau est considérée comme l’un des facteurs déterminant la distribution géographique, les taux de croissance et de survie des poissons et d’autres organismes aquatiques en impactant les migrations, la maturation des œufs, le succès d’incubation, la compétition intra et inter spécifique et la résistance aux parasites, aux maladies et aux polluants (LeBlanc et al. , 1997). De plus, la température de l’eau joue aussi un rôle sur les réactions chimiques dans les cours d’eau (autoépuration, aspects sanitaire), et peut entraîner une cascade d’effets sur le système aquatique.
- La conductivité de l'eau, aussi, s'accroit après l'entreprise SPIE Pharma. Un cours d’eau voit sa conductivité augmenter avec la salinisation, c’est-à-dire l’augmentation des concentrations en ions dissous (Cañedo-Argüelles et al., 2013). La salinité, en dehors des apports anthropiques (seconde salinisation), provient d’une dynamique complexe entre le climat (passé et présent), la géologie, la distance à la mer, la topographie et la végétation aquatique et terrestre (Cañedo-Argüelles et al., 2013). L’élévation d’une ou plusieurs concentrations d’ions est reconnue comme étant une importante menace de l’intégrité écologique des écosystèmes aquatiques d’eau douce, en touchant différentes échelles (individuelle, population, communauté et donc écosystème). Cette élévation est considérée comme un facteur stressant pour les organismes (Aylward et al., 2005; Cañedo-Argüelles et al., 2013; Clements & Kotalik, 2016).
La température et la salinité sont deux influences majeures sur le fonctionnement de l'écosystème. Les activités de cette société ont donc un impact notable sur la qualité de l’eau des Aygalades et sur tout son linéaire. En amont de la société SPI PHarma, la qualité de l'eau peut être considérée comme bonne. En revanche, le reste du cours est qualifié de "mauvaise" voire très mauvaise à cause des fortes concentrations en sodium et chlorures dissous désormais présentes dans le cours.
(Ci-contre, affiche des usines Schloesing, avant SPCA Barcroft (SPI Pharma). Ancien Schloesing depuis 1890 jusqu'en 1974 et Duclos-Gestion puis Rhône Poulenc Rorer, dernier propriétaire foncier sans jamais avoir exploité, devenu depuis "AVENTIS". Situé au lieudit « Vallon du maire » à Septèmes-les-Vallons. Les premiers exploitants avaient plusieurs activités : chimie organique, minérale et pesticide. Les polluants identifiés sont : cuivre, pesticides, plomb, présents dans les sols ou les nappes. Depuis 2001, le site est traité avec restrictions d’usages. Aujourd’hui, SPI Pharma, qui aurait débuté son activité dans certains ateliers dès 1810, fabrique des produits chimiques alumineux, notamment pour l’industrie pharmaceutique.)
Le rapport de l'IMBE met, aussi, en évidence des éléments traces métalliques et métalloïdes (ETMM) retrouvés sous forme particulaire et dissoute ou dans les sédiments, certains (s’ils sont biodisponibles) sont indispensables à de faibles concentrations (Fe, Co, Cr, Cu, Mn, Se, Zn), d’autres qu’ils soient à faibles ou grandes concentrations sont toxiques pour les organismes (As, Cd, Hg, Pb). Les anomalies rencontrées sont très probablement dues à des pollutions d’origines anthropiques liées aux industries en activité et passées. Certains métaux, par exemple le Cu, inhibent la photosynthèse et la croissance de producteurs primaires (Vinot, 2004). Ce qui à des niveaux trophiques supérieurs entraine des malformations et des retards de développement chez les embryons, et une moins bonne croissance des adultes chez les poissons, les mollusques et les crustacés. De plus, le long de la chaîne alimentaire, il peut y avoir une bioaccumulation (Pallottini, 2015), où des taux élevés peuvent être rencontrés chez des espèces pouvant être consommées par l’Homme, ce qui accroît les risques sanitaires.
La quantification des ETM dans les sédiments a permis de voir que pour la majeure partie des métaux sauf l’aluminium et le lithium, les valeurs sont plus faibles plus les stations sont situées à l’aval. On peut suggérer un effet de dilution via les divers apports en eau comme les eaux de la Durance relarguées par un canal de la SEM en amont de la station 4 (cité des Arts de la rue). Cependant, il est important de souligner que les apports extérieurs en eau peuvent aussi apporter des pollutions.
Les mesures des matières en suspension dans le cours d’eau ont permis de voir que dans l’ensemble des stations, le classement obtenu est « très bon » (concentration inférieure à 25mg/L) sauf pour le rejet 2 qui est « bon » (concentration inférieure à 50mg/L). Il paraît important de rappeler quels peuvent être les effets d’une hausse de MES. Ces dernières, si présentes en trop grandes concentrations, peuvent affecter la respiration des poissons en abrasant les branchies. Elles peuvent colmater le fond des cours d’eau et priver d’oxygène les divers œufs et organismes qui s’y développent aussi bien aux stades juvénile et adulte (poissons, macroinvertébrés). Les MES peuvent contribuer au réchauffement de la température de l’eau qui peut être néfaste pour les organismes sensibles à des températures élevées, et qui peut modifier certains autres paramètres comme les taux d’oxygène dissous (Hébert & Légaré, 2000).
L'eutrophisation, conséquence du manque de débit du cours d'eau
L'eutrophisation est un syndrome saisonnier de mauvaise qualité des eaux. Une prolifération importante d'algues est observée lors de ces épisodes qui ont lieu principalement au printemps et en été. L'eau devient verte ou brune dans le ruisseau.
Plusieurs causes sont à l'origine de ce phénomène. L'apport excessif en nutriments comme le phosphore ou l'azote favorise le développement des végétaux aquatiques. Le ruisseau des Aygalades, étant très pollué chimiquement, représente un milieu propice à l'eutrophisation. Il y a une corrélation avec la température, plus il fait chaud plus les algues ont tendance à se développer. La lumière joue également un rôle dans l'apparition de l'eutrophisation. Le manque de débit est également un facteur qui favorise l'installation de ces algues.
Une fois installées, ces algues représentent une source abondante de nourriture et des bactéries aérobies (qui ne vivent qu'en présence d'oxygène) se développent. Or, les algues peu à peu consomment l'oxygène. Les bactéries ne pourront plus se nourrir de toute la matière organique qui va donc s'accumuler dans le fond du cours d'eau, qui lui, est privé d'oxygène. Les bactéries anaérobies (qui ne vivent qu'en absence d'oxygène) vont proliférer dans les fonds, et entrainer la fermentation de la matière organique, qui va dégager du gaz tel que le méthane ou encore le sulfure d'hydrogène.
Ce phénomène entraine un appauvrissement de la biodiversité. Les algues empêche la lumière de passer dans l'eau, les autres végétaux n'ont plus la capacité de se développer. Le manque d'oxygène entraine la disparition de la faune aquatique.