QuestionsRéponses


Quelles sont les obligations nationales sur le bilan en empreinte carbone des laboratoires? Des tutelles?

La Loi portant Engagement National pour l’Environnement du 12 juillet 2010 a posé le principe d’une généralisation des bilans d’émissions de gaz à effet de serre pour un certain nombre d'acteurs (voir extrait de l'article L.229-25). Les bilans d’émissions de GES ont pour objectif de réaliser un diagnostic des émissions de gaz à effet de serre des acteurs publics et privés, en vue d’identifier et de mobiliser les gisements de réduction de ces émissions.
La périodicité : tous les 3 ans pour les services de l'Etat, les collectivités territoriales et les autres personnes morales de droit public ;
  • La sanction : depuis le 1er janvier 2016, les manquements à l’établissement ou à la transmission du bilan des émissions de gaz à effet de serre peuvent être sanctionnés par une amende d’un montant maximum de 1 500 € ; La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat réévalue cette sanction à 10 000 € avec un maximum de 20 000 € si récidive ;
  • La publication : les bilans établis après le 1er janvier 2016 doivent être transmis et publiés via la plate-forme informatique des bilans d’émissions de gaz à effet de serre administrée par l’Ademe . Les obligés sont encouragés à publier sur cette plate-forme leurs bilans antérieurs au 1er janvier 2016.
Sont concernés tous les établissements publics de plus de 250 agents et donc, toutes les tutelles du LOCEAN. En revanche, les laboratoires n’étant pas des personnes morales, ils n’ont pas l’obligation légale de faire leur bilan GES.

Quelle est la position des tutelles sur la réduction de leur empreinte carbone? Quelles sont les actions?

Les tutelles sont actuellement en train de s’emparer de la question. Le CNRS a organisé une journée du développement durable en janvier 2020 dont l’objectif était en particulier de recenser les initiatives locales dans les unités de recherche. Il n’y a pas pour le moment de feuille de route clairement établie. Une communication a été faite fin juin 2020 qui vise à encourager les unités de recherche à faire leur bilan carbone par le truchement de l’outil GES1point5 qui sera disponible le 20 juillet 2020, un outil développé par le collectif Labos 1 point5. L’IRD a dévoilé en interne une feuille de route détaillant les grandes orientations à venir pour la transition écologique au sein de l’institut, en particulier en lien avec les partenaires du Sud. Sont évoqués dans cette feuille de route des actions sur les achats, l’isolation des bâtiments, les missions (y compris la possibilité de quotas), ainsi que la communication aux unités de leur empreinte carbone missions par les outils de gestion. La feuille de route n’est accessible pour le moment que sur l’intranet de l’IRD. SU a dévoilé sur son intranet un plan développement durable incluant des actions principalement sur le bâti, les trajets domicile-travail, l’alimentation, … Le Muséum a contribué à la production de quatre vidéos dont l’objectif est de présenter des démarches concrètes portées par les établissements publics. Chaque vidéo est consacrée à un thème précis : les enjeux et outils de développement durable et de responsabilité sociétale dans l'enseignement supérieur français, les démarches de maîtrise des consommations d’énergie, l’écoconception des expositions et l’engagement étudiant (voir la chaîne Muséum de Canal–U).

Quelle est la position de l'IPSL sur ces mesures, et celle des autres laboratoires?

La direction de l’IPSL ne semble pas vouloir s’engager sur des mesures contraignantes concernant les émissions de CO2 de l’institut. Les laboratoires de la fédération sont diversement avancés sur la problématique empreinte carbone et plusieurs d’entre eux sont en train de réaliser leurs calculs d’empreinte. Le LOCEAN est donc le laboratoire le plus avancé dans la mise en oeuvre de mesures de réduction.
A l’echelle nationale, les choses bougent vite dans de nombreux laboratoires (IGE, LEMAR, ...) même si nous n’avons pas connaissance de labos où des mesures contraignantes pourraient être prises à court terme.

Les émissions du laboratoire (1500-2000 tonnes de CO2 par an) sont une infime fraction des émissions associées aux activités de recherche académique françaises, qui sont elles-mêmes une toute petite fraction des émissions nationales, elles-mêmes une toute petite fraction des émissions globales. Quel peut bien être l’impact de nos efforts éventuels ?

L’une des ambitions avec les mesures proposées est de produire un effet d'entraînement par lequel de nombreux autres laboratoires pourraient vouloir suivre l’exemple donné par le LOCEAN, en France peut être d’abord mais pourquoi pas aussi à l’étranger. Les échanges au sein de labos1p5 indiquent que l’envie de transformer les pratiques de recherche est de plus en plus partagée et touche bien au delà des communautés climat-environnement. Le vote des mesures 2 et 3 (avion vs train et quota CO2 déplacements) à la majorité qualifiée permet d’envisager une mise en œuvre relativement apaisée de ces mesures si elles sont acceptées ce qui est indispensable pour envisager qu’elles puissent être adoptées ailleurs.
Par ailleurs, des études récentes montrent que la crédibilité de scientifiques impliqués sur la sensibilisation aux questions climatiques est augmentée lorsque leurs pratiques (professionnelles et personnelles) sont en cohérence avec les messages qu’ils.elles délivrent.


Ne risquons nous pas de sacrifier “l’excellence” de la recherche menée au laboratoire ?

Il semble clair que placer la production scientifique sous la contrainte zéro émissions conduirait à paralyser nos activités. Mais inversement, imaginer que dans la situation actuelle, la production scientifique soit directement/étroitement couplée à la quantité d’émissions de CO2 émise, sans marge de manoeuvre pour faire autrement, nous semble ignorer l’expérience que nous avons des pratiques de recherche dans les laboratoires.
Il peut par ailleurs être intéressant d’élargir la réflexion autour de cette question en s’interrogeant sur la manière dont nos jugements collectifs, portant par ex sur la valeur/pertinence de travaux de recherche pourraient évoluer dans les années et décennies à venir, avec le contexte social, culturel, économique … La transformation de nos sociétés en réponse aux crises climatiques et écologiques est elle susceptible de modifier rapidement ce qui est actuellement considéré comme un travail de recherche à fort impact ? A quel rythme ? Pour un laboratoire, décider de participer de manière à l’émergence d’une culture de recherche bas -carbone peut être perçu comme un risque: celui de s’ajouter des contraintes qui ne pèsent pas sur tous et donc de décrocher d’une compétition pour l’excellence scientifique pensée comme figée dans le temps. Inversement on peut y voir une source d’opportunités: celle d’ouvrir de nouvelles voies de recherche plus pertinentes pour un monde en transformation parce que les contraintes que nous nous serions donnés modifient notre perception du monde donc aussi la recherche scientifique que nous menons.
De nombreux personnels impliqués dans les dynamiques climaction/labos1.5 au locean observent un changement rapide dans leur manière d’appréhender leurs objets de recherche et sont donc convaincus que cette source d’opportunité est bien réelle et peut grandement bénéficier au laboratoire.

Pourquoi proposer une trajectoire visant une réduction de 50% en 2026 et non en 2030 conformément à l’accord de Paris?

L’objectif est de réduire de 50% les émissions du laboratoire d’ici 2030. La trajectoire proposée pour les missions ne concerne donc que ce poste qui représente environ la moitié des émissions estimées pour le laboratoire. L’échelle de temps envisagée est plus courte que 2030 car :
  • Des exemptions sont prévues qui réduiront l’efficacité de la mesure. Sur la base du bilan 2018, au moins 15% des émissions liées aux déplacements professionnels échapperont aux quotas. Il est possible que le nombre de déplacements de plus de 30j augmente du fait de l’exemption, par regroupement des missions autrefois plus courtes. Ceci diminuera ainsi l’effectivité de la mesure quota. Il est donc très probable que la réduction sera inférieure à 50% ce qui poserait alors la question de mesures additionnelles qui pourraient être mises en place après 2026 pour atteindre l’objectif de 50% en 2030.
  • La trajectoire peut être révisée selon les modalités expliquées dans le document présentant le vote. En particulier, la période sur laquelle s’étalera la réduction des quotas pourra être allongée sans remettre en cause l’objectif de 50%.

Comment est estimée la consommation de CO2 par unité de km en train et en avion respectivement et qu’est-ce qu’elles englobent ?


Les émissions de CO2 induites par les trajets en train et en avion incluent la consommation d’énergie (carburant, électricité) du moyen de transport, les émissions amonts (perte d’énergie en ligne, raffinage, transport du carburant, construction des moyens de production d’électricité, …) et la construction des infrastructures et des moyens de transport. Pour l’aviation, les effets radiatifs indirects, en particulier liés aux traînées, sont également pris en compte. Ces effets radiatifs indirects sont relativement incertains mais la littérature scientifique et l’ADEME recommandent d’utiliser un facteur multiplicatif de 2 : les effets indirects sont globalement égaux aux effets directs liés à la combustion du kérosène.

Comment vais-je pouvoir calculer l’empreinte carbone de mes déplacements professionnels ?

Une plateforme a été développée en interne à l’IPSL permettant de rentrer chacun de ses trajets au fil de l’eau, et d'obtenir et de suivre facilement l’empreinte carbone associée à ses trajets. La méthodologie de calcul sera ainsi la même pour tout le monde. Vous pouvez explorer la beta version de ce calculateur ici


Qui aura accès à mon quota carbone et vérifiera mon droit à voyager?

Seuls l’administrateur de la base de données (un membre de l’équipe informatique), et le directeur du laboratoire (ou une personne mandatée par lui nommément) auront accès à la base de données qui sera chiffrée. Les personnels auront également accès aux données les concernant personnellement par le moyen d’une interface conviviale qui leur permettra de rentrer les données de leur mission sous un format simple et de suivre l’évolution de leur empreinte carbone et de leur quota. Par ailleurs, un référent empreinte carbone du laboratoire pourra extraire les données complètement anonymisées de la base de données du calculateur pour faire le calcul de l’empreinte carbone mission du laboratoire. Un dialogue avec le référent RGPD du labo est en cours afin de respecter la législation sur les données personnelles.
Par ailleurs, afin de ne pas ajouter une charge de travail supplémentaire au service administratif, chaque missionnaire devra joindre à sa demande de mission un relevé de son empreinte carbone des missions de l’année en cours qui sera directement obtenu par le moyen du calculateur.

La direction du laboratoire a-t-elle le droit de m'empêcher de faire une mission sur mes propres crédits au prétexte du dépassement d’un éventuel quota carbone?

La question est complexe et nous n’avons pas encore pour le moment toutes les informations permettant d’y répondre. L’encadrement des droits et devoirs des personnels du laboratoire est assuré par le règlement intérieur qui est un document obligatoire réglementaire. A ce règlement intérieur peuvent être adjointes des chartes dont l’existence peut y être mentionnée. Pour le moment, il n’existe que la charte informatique au LOCEAN. En cas de mention de conditions pour lesquelles une mission peut être refusée par le DU (sur des crédits hébergés dans le laboratoire) dans le règlement intérieur, le personnel ne peut réglementairement pas s’y soustraire. Si ces conditions sont inscrites dans une charte mentionnée dans le règlement intérieur, tout refus de se conformer à la charte sera examiné par la tutelle concernée. C’est en particulier déjà le cas pour la charte informatique. Enfin, si ces conditions sont inscrites dans une charte qui n’est pas mentionnée dans le règlement intérieur, l’engagement des personnels est moral et chaque personnel peut donc refuser de signer cette charte ou même de rompre son engagement moral s’il l’a signée sans risquer de sanctions administratives.
L’incertitude actuelle concerne donc le statut du document dans lequel figureront les conditions soumises au vote. Un dialogue doit être établi avec les tutelles du laboratoire pour étudier avec elles ce qu’il est possible de faire.
Le CNRS semble décidé à permettre des expérimentations dans des “laboratoires pilote”. On peut donc imaginer que, dans ce cadre, il accepte de valider un règlement intérieur incluant un mécanisme de “quota carbone” et/ou une règle plus ambitieuse sur la substitution avion train pour les trajets courts.

Quels sont les voyages qui seront soumis à ce quota et lesquels en seront exemptés?

Tous les déplacements professionnels (hormis les déplacements domicile-lieu habituel de travail) sont concernés par ce budget sauf :
- Les déplacements pour se rendre à des missions de terrain et en revenir, y compris les lieux d’embarquement et de débarquement des campagnes océanographiques.
- Les déplacements de plus de 30 jours successifs (31 jours et plus).
- Les doctorants et les post-doctorants disposent d’un déplacement international annuel échappant au budget.

Pourquoi avoir prévu des exemptions?

Il a semblé nécessaire de prévoir des exemptions afin de préserver les spécificités fortes du LOCEAN, à savoir les campagnes en mer et les missions au Sud, que l'on souhaite conserver.

Pourquoi les quotas diminuent de plus de 75% d'ici 2026 alors que le texte indique un objectif de 50%?

Le quota individuel est un plafond et non pas une empreinte carbone réalisée. La diminution du quota de 75% entre 2021 et 2026 n’implique pas une réduction de 75% de l’empreinte totale des trajets aériens du laboratoire sur la même période, le résultat final dépend de la distribution des émissions des voyageurs. Comme illustré dans la figure de droite du document de vote, la réduction de l’empreinte totale correspondante est bien estimée à 50%.