L'histoire industrielle de la zone arrière-portuaire constituée autour du ruisseau

Les usages du ruisseau changent, et avec eux, les imaginaires aussi. Le ruisseau est désormais dans un rapport de co-production avec les usines. Les moulins à eau doivent fournir la force nécessaire au rendement attendu par les entrepreneurs. Des barrages et des béals sont réalisés sur le ruisseau en amont de la roue à aubes du moulin pour augmenter sa vitesse et ainsi sa force. L'eau est recherchée par les industries pour la diversité de ses propriétés: elle dissout, elle rince, elle sépare, elle synthétise, elle colle, elle produit de la chaleur, elle est projetée sur les machines pour les refroidir.
L'arrivée des eaux de la Durance, par le canal de Marseille permet également de satisfaire les attentes de la production et contribue à transformer le quotidien des populations. L'eau est moins rare, elle devient "courante". Alors que les rivières de Marseille ne permettaient plus de supporter les demandes en eau d'une démographie en perpétuelle croissance, les épidémies de choléra étaient récurrentes. En 1834, Maximin-Dominique Consolat, Maire de Marseille, décida de faire venir l'eau de la rivière la plus proche pour remédier à ce problème. L'eau arrive pour la première fois à Marseille le 19 novembre 1849 au plateau Longchamp. De 1854 à 1869, 77 km de canalisations et de nouveaux bassins réservoirs sont construits permettant l'accès à l'eau sur l'ensemble du territoire de Marseille, incluant les communes avoisinantes (Plan-de-Cuques, Allauch et Aubagne). Le canal de Marseille permet aussi de fournir un débit plus stable au ruisseau Caravelle-Aygalades. Désigné comme une rivière méditerranéenne, son plus fort débit se situe à l'automne et au printemps avec la saison des pluies. En hiver, le débit de l'eau baisse et il ne faut pas s'inquiéter des épisodes de sécheresse du cours d'eau en été.
Au-delà d'un outil de productivité, c'est aussi pour son courant qu'il est utilisé. Les usines l'envisagent alors comme une voie d'évacuation des résidus de leur production. Un chenal reliait les hangars directement au ruisseau. Petit à petit, d'un cours d'eau idyllique il devient un égout et sa mauvaise réputation peut être aussi vue comme un frein, à notre époque, pour que citoyens et élus l'incluent à nouveau comme un bien commun de la plus haute importance pour le bien-être des citadins et de tous les vivants.

La Page 61 de ce livre retrace l'histoire de l'espace situé au niveau du pont de Cars:

"La minoterie"
D’après Alfred Saurel, le moulin qui ferme notre amont existait avant le 14e siècle. Il a brûlé en 1865. Trouvée aux Archives municipales, une archive d’enquête publique prouve qu’en 1870, “Monsieur Schmitt demande l’autorisation d’établir un barrage sur le ruisseau pour dériver les eaux et mettre en mouvement deux minoteries”. La minoterie passe à Marius Despied dont le nom est encore en 1904 dans le bottin des minoteries industrielles. En 1908, la minoterie Dumont lui succède, elle est représentée en carte postale. Dans les années 20, une savonnerie industrielle est ajoutée. Les Établissements Garbit reprennent l’ensemble vers 1962. Professionnels dans les huiles pharmaceutiques, comestibles et industrielles, ils ajoutent une activité de conserve de couscous, d’ensachage et empaquetage pour les grandes surfaces commerciales qui se créent alors. L’entreprise dépose le bilan en 1998 et l’usine vit en autogestion durant
deux années. La société Chimitex reprend le site, qui comprend la Société Française des Savonneries du Midi. Son directeur, Gilbert Latour, met en place un projet de musée du savon intégré à la production et propose une “Route du savon de Marseille à Marseille” dans le cadre de Marseille Provence capitale européenne de la culture 2013.
L'Association des Amis des Aygalades a retracé l'implantation des entreprises sur les rives entre la seconde moitié du XIX -ème siècle et la première du XX -ème. Apparaît, aussi, sur le schéma, le parcours des eaux souterraines qui alimentent le ruisseau:

Sur le parcours ci-dessus, les entreprises implantées à côté de la source du ruisseau, dans la commune de Septèmes-les-Vallons, ne sont pas nommées. Pourtant, au moins 5 industries de soude étaient présentes dans les collines dès le tout début du XIXème siècle. Des ravages pour les sols et les nappes phréatiques qui rongeaient en premier les ouvriers.
Ici, Xavier Daumalin, dans un texte intitulé "Industrie et environnement en Provence sous l'Empire et la Restauration" retrace cette histoire:
https://journals.openedition.org/rives/522



La construction de l'autoroute métamorphose le paysage. Cependant, quelques souvenirs persistent: la porte d'entrée du château du Roi René encadre désormais un commerce. A la façon du contremaître et des ouvriers, ils est encore possible d'emprunter le tunnel qui reliait rapidement le château à l'usine en cas de problème. Des ruines des contreforts de la terrasse sont encore visibles et le premier étage de la demeure n'aurait pas été détruit...il est recouvert par le bitume. Le ruisseau des Aygalades a été détourné de son lit. Il longe l'autoroute dans un chenal de béton avant de rejoindre la cascade de la traverse du cimetière, au niveau de la savonnerie du midi, pour retrouver son chemin naturel.

Le dernier producteur de lait de vache aux Aygalades en 1970