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Pourquoi ?

Surveillance de nos comportements sur Internet pour des publicités ciblées, échanges voire ventes de nos données personnelles à des services tiers, centralisation des acteurs majeurs de l'Internet et vulnérabilité des services web du quotidien : ce sont principalement les sujets qui nous intéressent dans l'utilisation des services numériques. Quelle éthique doit guider nos usages pour qu'ils soient soutenables écologiquement ?

Impacts sociétaux des Gafam

Au-delà des aspects liés aux émissions de CO2, une autre problématique à prendre en compte est l’extrême concentration – il s’agit parfois d’un quasi monopole - qu'exercent 5 entreprises privées américaines sur nos vies numérique. Les premières lettres de ces 5 entreprises forment l’acronyme GAFAM : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.

Google, que nous connaissons d'abord par son moteur de recherche puis par son service de publicité Google Ads qui a fait sa fortune, et ensuite par les services phares que l’entreprise a développé progressivement comme Gmail, Google Maps ou Google Earth, Youtube, le système d’exploitation mobile Android ou encore le navigateur Google Chrome. Depuis quelques années, la marque investit de plus en plus dans la conception de terminaux ou objets connectés à travers sa gamme d’assistants vocaux comme Alexa, des smartphones ou encore l’ordinateur portable Chromebook.

La marque Apple a si bien travaillé son storytelling qu’il ne semble pas nécessaire la présenter. Nous la connaissons à travers ses ordinateurs fixes et portables, ses smartphones et ses montres connectées qui se revendiquent comme représentant le segment le plus qualitatif de l’offre en la matière.

Facebook, dont la maison mère s’est renommée récemment en « Meta », est connu principalement pour son réseau social qui revendique en France 40 millions d’utilisateur·rices actif·ves mensuels. Le groupe est également propriétaire du réseau social Instagram et du service de messagerie instantané whatsApp. Plus récemment, le groupe se diversifie en faisant la promotion de son univers parallèle numérique : le métavers, et de ses équipements de réalité virtuelle comme Horizon Workrooms lancé en 2021(1), suite au rachat de l’entreprise Oculus VR en 2014(2).

Microsoft enfin est connu pour les systèmes d’exploitation pour PC du même nom, mais a également d’autres activités. L’entreprise possède en effet le moteur de recherche Bing, le réseau social linkedIn, la messagerie électronique Outlook.com, les consoles de jeu Xbox ou encore les tablettes Surface(7).

En énumérant simplement les activités de ces entreprises il devient tout à fait évident que de larges pans de la vie numérique des français sont régis par ces cinq entreprises(8). Si les services que ces firmes rendent sont utiles et que les utilisateurs sont satisfaits, où est donc le problème ?
Les questionnements soulevés par l’extrême concentration des services en ligne sont multiples, on peut tenter de les résumer en quatre points :

  • - → La grande concentration de ces services engendre une forte concentration des acteurs en mesure de recueillir une quantité énorme de données personnelles, ce qui peut faire peser des risques sur nos libertés voire notre sécurité
  • - → Ces entreprises ont constitué des monopoles sur certains services ce qui leur donne un poids démesurée pour déterminer comment doit évoluer le secteur du numérique et les services associés et limite la capacité d’autres acteurs à proposer des services et stratégies différentes
  • - → L’immense pouvoir de ces acteurs, d'un point de vue économique comme au niveau de leur influence sur les opinions publiques et le législateur, les place en position d'être à même d'échapper durablement aux tentatives de régulation des états

→ En l’absence de régulation ou de dialogue équilibré du fait de l’asymétrie structurelle en termes de pouvoir économique entre les GAFAM et d’autres acteurs susceptibles de souhaiter une régulation de ces derniers, l’impact écologique et sociétal de leurs activités directes et indirectes est dans la pratique hors de contrôle.

1. Données personnelles, libertés et sécurité

Avez-vous entendu parler du scandale Cambridge Analytica ? Le nom d’Edward Snowden vous dit quelque chose ? Nous sommes devenus familiers malheureusement de ces affaires de grande envergure où nous apprenons l’usage très questionnable qui a été fait de grands jeux de données. En réponse, un certain nombre de règlements(9) ont été adoptés à différentes échelles pour prévenir la constitution de bases de données potentiellement dangereuses ou encadrer l’usage des bases déjà existantes ou créées pour des motifs légitimes.

2. Monopoles et concurrence

Sur ce point un exemple parmi les plus évidents est la manière dont les services proposés gratuitement par Google freinent potentiellement l’innovation chez d’autres acteurs qui doivent faire payer les utilisateurs pour un service équivalent voire moins bon, Google ayant une avance énorme sur le sujet, et l’entreprise, en situation de quasi monopole, le consolide un peu plus chaque jour. Ainsi, Gmail a dépassé le milliard et demi d’utilisateurs dans le monde en 2019(10), pour un nombre total d’utilisateurs de l’email estimé à 4,3 milliards.
Ce quasi monopole est économique mais il est aussi informationnel. Si l’on regarde par exemple les navigateurs internet, Google Chrome détenait en 2020 65,13 % des parts de marché dans le monde, suivi par Safari, navigateur historique du système d’exploitation iOs d’Apple (18,64%). En France, en 2016, 93 % des requêtes sur les moteurs de recherche étaient faites via Google(11).
Or Google influence les requêtes via les suggestions de requête, contrôle l’ordre des résultats grâce à son algorythme de recherche et propose en haut de page une sélections de biens de consommation, de services ou d’objets culturels qui lui semblent les plus pertinents.

3. Echappement aux tentatives de régulation des états

Pour un certain nombre d’observateurs, il faut considérer que les Gafam ont un pouvoir comparable à celui des états, alors même que par définition ces entreprises sont guidées d’abord par la perspective de leur développement économique et qu’elles ne sont soumises en interne qu’au contrôle de leurs actionnaires.
Le caractère dérisoire des sanctions financières qui leurs sont infligées par les états, souvent pour des questions d’évitement fiscal, est régulièrement souligné. Pour autant, la multiplication des textes de lois pour les réguler et des poursuites en cas de non respect de ces derniers les amène progressivement à revoir leur position.
En mai 2018, dans le sillage de l’affaire Cambridge Analytica, Mark Zuckerberg a été auditionné par le parlement Européen(12). En 2019, c’est le sénat américain qui le convoque au sujet de son projet de monnaie virtuelle Libra(13).
En quelques années, les législateurs nationaux et régionaux (comme le Parlement Européen) ont compris l’importance de s’intéresser à la question, ainsi que la nécessité d’une coopération entre états pour parvenir à contraindre efficacement les Gafam à accepter quelques règles fondamentales en matière d’éthique et de droit(14).

4. Impacts environnementaux et sociétaux

Dans un tel contexte, comment s’assurer que l’action d’acteurs aussi influents soit alignée avec ceux des sociétés civiles et des Etats ? En dehors des règlements votés sur des points précis comme les données personnelles, aucun mécanisme n’existe par exemple pour inciter ou contraindre les Gafam à aligner de manière globale leurs actions sur les 17 objectifs de développement durable de l’ONU(15).
Dans le contexte de la lutte contre le déréglement climatique, l’effondrement de la biodiversité, les pollutions diverses, dans un contexte de raréfaction des ressources et d’explosion des inégalités(16), le chantier est d’une urgence extrême.

Notes
(1) Facebook just showed us how we’ll work in the metaverse — here’s what it was like, par Todd Haselton, CNBC, 2021
(2) Article Meta (entreprise) de Wikipédia en français
(3) Amazon : un chiffre d'affaires colossal en France, un nombre d'emplois plus modeste, France Info, 2019
(4) Données financières Carrefour, Les Echos investir
(5) Chiffres Amazon 2021 : résultats financiers France et monde, visiteurs uniques, dates clés…, par Appoline Reisacher, 2020
(6) Classement FEVAD 2020 des sites e-commerce en nombre de clients, 2020
(7) Article Microsoft de Wikipédia en français
(8) Note : En 2019 la France comptait 53,1 million d’internautes de deux ans et plus pour 67 million d’habitants, Source Le profil des internautes français, journal du net et INSEE (9) Le plus connu d’entre eux en Europe est le RGPD
(10) Chiffres Google : toutes les statistiques à connaître en 2021, par Thomas Coëffé, 2018
(11)Bonnes pratiques d’e-réputation : analyser les big data de Google, par Christophe Asselin, 2016
(12)Facebook Mark Zuckerberg face à l’impatience des députés européens, Par Alexandre Piquard et Morgane Tual, Le Monde, 2018
(13) Libra menace-t-il le dollar ? Zuckerberg auditionné par les députés américains, Le Monde, 2019
(14) Sous pression des régulateurs, Google, Amazon ou Facebook proposent des concessions, par Alexandre Piquard, Le Monde, 2022
(15) Objectifs de développement durable, Nations Unies
(16) L’Explosion des inégalités. Classes, genre et générations face à la crise sanitaire. Anne Lambert et Joanie Cayouette-Remblière (dir.), La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, dans la Revue des politiques sociales et familiales, vol. 141, no. 4, pp. 145-147, par Kevin Diter, 2021


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