DEMAIN... AUTREMENT...
DEMAIN... AUTREMENT...
Le soleil reflétait ses doux rayons sur mon visage... Il faisait doux en ce mois de mai 2050 et mes souvenirs réminiscents refaisaient soudain surface... J'appréciai ce léger souffle de vent, ce souffle de vie presque comme s'il s'agissait d'une liberté retrouvée, d'une insouciance nouvelle, d'une vie apaisée... Enfin...
Il faut dire que notre humanité revenait de loin... Je me souviens déjà du temps où je bossais sans discontinuer au service du Système : celui introduit par ce que nous nommions au XXIème siècle le "GAFAM"... Très vite devenu, le WIC ("Web International Center") "Centre international Numérique" qui avait très vite réduit l'humanité à sa plus simple expression. Nos démocraties avaient bien vite été détruites laissant la place à un régime totalitaire géré par les deux plus grandes puissances mondiales : les Etats Unis et la Russie. Mais ce régime non plus n'avait pas fait le poids longtemps face à l'intelligence des ordinateurs.
Nous étions vite devenus des esclaves : des véhicules gérés par le WIC nous récupéraient à nos domiciles chaque matin et nous ramenaient chaque soir, après une journée de travail identique à celle du héro de "Brazil" : une vie morne au service du WIC, sans fantaisie ni communication... Ah, la communication ! Elle n'existait plus que par réseaux sociaux soigneusement elle aussi contrôlée par le Système. Sont alors très vite apparus de nouvelles pathologies : tout d'abord de nouvelles solitudes, isolant chacun un peu plus chaque jour, mais aussi et surtout le BBO : le "Big Burn Out" laissant derrière lui des millions de vies annihilées, brisées et détruites. Le soir donc, nous avions obligation de rentrer à notre domicile où nous restions connectés en permanence : nos seuls loisirs se limitant aux programmes numériques diffusés par le WIC...
Le WIC, le WIC, le WIC... Ce dernier maîtrisait tout : nos boulots, nos téléphones, notre santé... Nous étions sous surveillance permanente... Une prison à ciel ouvert... Sans perspective d'évasion hélas, la rébellion n'était pas prévue dans le Système, ou plutôt si : si le Système ne vous convenait pas, vous aviez le droit de mourir. Vous étiez alors éliminé et rayé du fichier WIC... Et aucune trace ne subsistait de vous...
C'est pourtant vers 2030 que les choses ont commencé à s'inverser... Car sont apparus ce que nous appelions les "premiers migrants numériques"... Ils étaient issus d'un ancien mouvement "les colibris". Au commencement anecdotique, ils faisaient leur part et ne furent d'abord que quelques-uns, que nous regardions comme des illuminés ou des fous, des révolutionnaires parfois... Ils décidèrent de "se changer pour changer le monde", de choisir la liberté à la mort certaine : liberté de penser, de vivre, de s'alimenter et de communiquer en cohérence avec leurs valeurs et leurs choix ; de réintroduire la démocratie participative, le partage, la communication, le vivre-ensemble, d'éliminer la haine, le harcèlement et le totalitarisme... Quels vastes projets !
Les
premiers partirent vivre dans des contrées reculées où une autre vie était
encore possible
: retour à l'agriculture, au biologique, au respect des animaux, à une
éducation des enfants différente... Et de n'utiliser le numérique qu'à bon
escient, pour aider son prochain ou communiquer sans haine ou sans exposer sa
vie. Bref, à réhumaniser une humanité qui ne l'était plus...
Je lisai de plus en plus en cachette leurs exploits jusqu'au jour où je décidai que moi aussi je serai l'une des leurs... Qu'il fallait que je passe à l'action, que je fasse ma part... Ils avaient lancé une Agora que je décidai de rejoindre et cela changea profondément ma vie et je veux croire que ma goutte d'eau, loin de faire déborder le vase, a été salutaire pour moi et pour toutes celles et ceux qui avaient choisi cette voie...
30 ans plus tard, je suis fière, NOUS sommes fiers des progrès accomplis. Certes, notre planète n'est pas parfaite mais le WIC s'est de lui-même autodétruit, et nous pouvons dire à nos enfants et petits-enfants qu'ils reviennent de loin. Qu'une véritable "Shoah numérique" était en oeuvre et que nous avons su redresser la barre même si beaucoup d'entre nous y ont laissé leur précieuse vie. Ce sont nos "Justes", nos "Colibresques" comme dit mon petit fils...
Et aujourd'hui alors l'automne de ma vie arrive à grands pas, je suis sereine de voir mon petit fils rire aux éclats auprès de son nouveau petit chat... Et tandis que je souris à ce magnifique tableau, je referme le livre de 600 pages qui raconte ce sublime récit écrit à des millions de mains : "Demain... Autrement" car c'est aujourd'hui que tout commence...
Sylviane LAURO