Diagnostic Culturel de la CAE
Depuis 2020, la Communauté d’Agglomération d’Epinal en lien avec l’Agence Culturelle Grand-Est, a fait appel au Collectif Réseau d’êtres, pour animer la concertation des habitants et des acteurs de la société civile autour de l’élaboration du schéma de développement culturel. Il s’agit de coorganiser et animer des rencontres d’acteurs et de citoyens sur les 8 bassins de vie. Elles ont l’objectif de favoriser l’interconnaissance des acteurs associatifs et « forces vives » et d’échanger
sur les freins constatés et les leviers d’actions mobilisables, afin de contribuer au projet culturel de territoire. Le Collectif Réseau d’êtres se présente, là aussi, comme un facilitateur d’échanges et un accompagnateur de la démarche dans la proximité aux côtés de la Collectivité et du cabinet ABCD.


Neuf animations territoriales ont eu lieu entre juin et juillet 2023 et ont fortement mobilisé les animateurs.trices bénévoles de Réseau d’êtres : Longchamp, La Vôge les Bains, Châtel Nomexy, Epinal, Thaon les Vosges, Xertigny, Socourt, Uxegney. Celle de Golbey a dû être annulée faute de participants.
Des liens avec de nombreux acteurs locaux ont été tissés pour le CRE.
D’excellents retours pour l'animation et de fortes attentes pour la suite ont été perçus.
D’importants besoins de culture, plus dans l'authenticité et la proximité, ont été exprimés.
Le CRE a participé aux :
- Comité technique les 19 septembre et 29 novembre
- Comité de pilotage du 5 octobre

Sur l’organisation des rencontres en tant que telles :
Une participation très inégale selon les villages. Le choix d’avoir laissé la communication aux communes a eu des résultats contrastés au bon vouloir des élus locaux. Les Maires des villages ne sont pas tous sensibles, intéressés et impliqués par la dimension culturelle d’une part et pas forcément à l’aise avec une démarche participative (nombreuses appréhensions, réticences).La communication a été rarement relayée auprès des habitants. Elle s’est limitée bien souvent aux élus et aux acteurs associatifs culturels locaux. Sentiment d’avoir manqué notre cible, à part à Longchamp. Le choix des lieux a lui aussi été stratégique : la cour d’une ferme à Longchamp a désacralisé de suite la culture et conféré une proximité idéale. Par contre le choix de l’espace Cours à Epinal s’est révélé très politique, institutionnel et formel.
Nous n’avons pas pu toucher les quartiers politique de la ville ni à Epinal, ni à Golbey.
A part la rencontre de Golbey qui a dû être annulée faute de participants, toutes les rencontres se sont déroulées dans une ambiance conviviale. Les participants, surpris au début, se sont vite pris au jeu et ont fortement apprécié les méthodes ludiques et interactives. Ils ont tous souligné l’opportunité d’échanger plus facilement et de mieux se connaitre. Un esprit positif et une énergie étaient palpables à l’issue de chaque rencontre.
Tous ont souhaité bénéficier des comptes-rendus pour s’en inspirer dans leurs projets culturels locaux et pour connaitre ce que les autres territoires avaient exprimé. Besoin aussi de savoir à quoi leurs témoignages allaient contribuer. Nous nous sommes engagés sur un retour à l’ensemble des participants.
Sur le contenu
Les habitants sont reconnaissants de tout ce que la CAE développe en matière culturelle, même s’ils
n’ont pas conscience de tout, ce qui ne les empêche pas d’avoir de fortes attentes, voire de l’impatience
pour être reconnus, aidés et valorisés dans leurs projets locaux.
Personne n’a évoqué les fameuses « zones blanches ». Tous constatent qu’il se passe beaucoup de
choses en matière culturelle sur leurs communes.
Une forte demande sur des événements, activités intergénérationnelles (fêtes traditionnelles, jeux
intervillages, bals populaire, sorties familiales, cinéma…) et pourtant les liens avec les écoles, les EHPAD
sont peu évoqués.
Nombreuses interventions tournent autour de la reconfiguration des espaces publics et privés. Face au
repli d’une offre culturelle à la maison, accélérée par le numérique et le confinement, les habitants
constatent que les espaces publics (rues, places…) sont déserts. Besoin de se réapproprier et
reconfigurer les espaces publics en générant de nouveaux lieux (ex : le tiers-lieu à Moriville pour
redonner vie au cœur du village).
Lien social et culture allaient de pair avec les commerces et les services, qui se raréfient en milieu rural.
D’où ce besoin de lien, de proximité et de convivialité exprimé unanimement par la volonté de recréer
des cafés associatifs, guinguette, tiers-lieu…
Des lieux culturels innovants et dynamiques fleurissent en ville comme à la campagne en dehors des
pouvoirs publics grâce à des initiatives privées : Ex : Microclimat à Epinal, Boux du Monde à Bouxurulles,
le Café associatif à Uxegney qui proposent une programmation culturelle originale et fidélisent un public
très divers.
Ils ont exprimé souvent le manque de lieux de débat pour aborder sereinement les sujets de société
complexes et sensibles. Ils constatent les limites des réseaux sociaux et les effets d’un manque d’altérité
pour la compréhension de l’autre et du monde
Les participants, tous amateurs et acteurs de culture, étaient pour la plupart des citoyens engagés dans
la vie culturelle, mais aussi dans le reste de la vie sociale et politique. Sentiment d’être épuisés, seuls,
découragés par le manque d’intérêt, de participation, de bénévolat, d’engagement d’une grande
partie de la population, qui appréhende la culture uniquement comme un bien de consommation.
Les habitants parlent la nécessité d’accompagner les jeunes, les projets émergents, les dynamiques
locales, mais évoquent peu les structures d’éducation populaire, quasi inexistantes dans les villages de
la CAE : à part le projet de centre social itinérant autour de Charmes, mais qui a bien du mal à voir le
jour étant donné les tensions politiques. Les MJC sont uniquement présentes à Epinal et Xertigny, les
centres sociaux à Epinal, Thaon et Golbey. Les foyers ruraux et la FOL 88 ont peu de structures affiliées
dans les villages.
Ils demandent un accompagnement technique sur les dossiers de subventions, la communication, le
montage de projets, mais ne se tournent pas facilement vers les fédérations, qui manquent de moyens
humains faute de financement dédié.
Le manque d’intervenants professionnels qualifiés en danse, théâtre, musique et arts plastiques ne
favorise pas des activités hebdomadaires pour tous les âges.
Les patrimoines architectural, industriel, artisanal et naturel sont souvent cités, par contre peu le
patrimoine agricole. Manque de conscience ou de participants issus du monde agricole ?
Le maître mot est la communication, mais très peu la médiation culturelle… Or on sait que les gens ne
manquent pas d’informations, ils sont même submergés par trop d’infos, notamment numériques.
L’enjeu serait plutôt : comment toucher les gens ? les intéresser, les inviter à participer ?
Ex : l’Orchestre La Belle Image est programmé en décentralisé, mais certaines représentations, bien
qu’elles soient gratuites, n’ont rassemblé que 10 personnes, tous des élus… alors que les gens réclament
de l’opéra, de la grande musique.
Peu de lien est fait entre le sport et la culture. Les associations s’activent séparément la plupart du
temps, alors qu’il y a une aspiration à mutualiser des équipements, croiser les publics. Comment se
rejoindre sur les finalités, les valeurs ?
Les liens avec l’international ne sont quasiment jamais évoqués, à part dans des cadres professionnels
spécifiques. Peu d’échanges avec des personnes d’origine étrangère. Les migrants sont cités dans le
cadre des cours de français donnés par des bénévoles, mais on constate que les cultures portées par
les populations immigrées installées sur la CAE sont peu valorisées. La dimension interculturelle, la
diversité culturelle se limitent à un besoin de mixité sociale strictement locale pour beaucoup. Besoin
de rester « entre nous ». Un manque singulier de curiosité, d’ouverture culturelle vers d’autres visions,
pratiques.
Besoin à la fois de choses extraordinaires en grand, du type un opéra, un zénith, mais aussi de petites
rencontres informelles, d’activités simples, faciles d’accès, sans contraintes.
Le besoin de bénéficier d’un cinéma dans sa commune est sans cesse rappelé, notamment le ciné en
plein air, alors que les gens sont de plus en plus équipés pour regarder des films sans bouger de chez
eux. Quels besoins se cachent derrière cette envie ? une nostalgie, besoin de vivre des choses
ensemble ?
Beaucoup d’offres publiques sont orientées autour du numérique, or ce besoin n’est jamais ressorti
dans les rencontres, y compris par les jeunes. L’accent est plutôt mis sur du contact humain direct.
La question de la mobilité revient, besoin de navettes pour rentrer le soir après un spectacle, mais
surtout besoin de partager au-delà du transport, les émotions, les avis, le vécu.
Les participants évoquent souvent l’itinérance des formes culturelles. On sent qu’ils sont attachés à ce
que des événements ou des activités se passent dans leur territoire, mais sans pour autant les avoir à
demeure tout au long de l’année. Personne n’a réclamé, par ex, de salle polyvalente ou d’équipement
culturel particulier, mais plutôt des représentations. Posséder et gérer un lieu est moins d’actualité
qu’organiser des événements qui essaiment et dynamisent localement les habitants. (ex. du Tambouille
Festival).
Les habitants prônent la mutualisation, la coopération entre acteurs du territoire, institutions et
associations, par ex sur la communication pour mutualiser les agendas culturels. Par contre, ils ne
savent pas comment la mettre en œuvre. Qui pour coordonner, organiser, porter, relayer ? Personne
ne se sent d’assumer cette tâche en plus de leur charge de bénévolat déjà conséquente, par manque
de temps, de savoir-faire et surtout de légitimité.
