Myriam Bouchoucha, « La représentation de la violence dans le roman français de la dernière décennie : cas de P. Djian, V. Despentes, F. Beigbeder », Multilinguales [En ligne], n°9, 1er juin 2018

Type de ressource : Livre, revue
Description de la resource : PLAN
Le texte romanesque comme écho d’une violence contextuelle
Mise en texte de sentiments dévastateurs et de pulsions destructrices
Représentation des errances d’une jeunesse meurtrie
Figuration de la souffrance du corps
Le texte romanesque, lieu d’une possible rédemption
Mots-clés : roman, violence, destruction, civilisation, conjuration
'" [...] En 2010, Apocalypse bébé, le roman de Despentes, met en scène la destruction du Palais-royal, monument emblématique de Paris, lors d’un attentat kamikaze. Despentes place l’horreur au cœur du quotidien de ses lecteurs français et propose une longue description de ce que serait ce lieu familier dévasté :
Les tuiles grises, trempées de sang, une boule dorée de la station de métro […]. Un arbre encore debout. Un banc renversé. Un lampadaire sectionné sur le flanc […] Une colonne de Buren avait atterri intacte, au sommet d’un arbre resté debout. Les résidus encore reconnaissables témoignaient de ce que l’amas de gravats noirs qui les entouraient avait bien été le Palais Royal. (Despentes, 2010 : 357)" [...]
"Au tournant du vingt-et-unième siècle, l’intrusion de l’Histoire dans les histoires individuelles a conduit de nombreux auteurs, estime B. Blackeman, à « revisiter […] les invariants de la conscience collective Eros, Thanatos, Chronos, Théos parfois [et] la triade Etre, Vivre, Exister » (Blackeman, 2000 : 16). Bruno Blanckeman rajoute que dans « cet accaparement se lisent peut-être l’expression et la conjuration d’un sentiment de deuil » (Ibid : 17). Il est vrai que l’omniprésence de la destruction dans les romans français contemporains peut être lue comme une esthétisation de la catastrophe qui a valeur d’un rituel cathartique. On comprend dès lors pourquoi Djian choisit les vers suivants comme citation liminaire de La fin du monde :
Le beau n’est
Que ce degré du terrible
Que, encore nous supportons
Et nous ne l’admirons tant
Que, parce que, impassible
Il dédaigne de nous détruire. (Rilke, cité par Djian, 2010 : 33)
La représentation du déclin civilisationnel et des anéantissements individuels dans la fiction romanesque semble répondre aux mêmes finalités que le théâtre pour Antonin Artaud dans la mesure où « elle permet à nos refoulements de prendre vie » (Artaud, 1938 : 16).
Djian, Despentes et Beigbeder tentent de faire du texte littéraire le lieu d’une possible conciliation entre le chaos des évènements et l’harmonie du Verbe, car, comme le pensait Artaud :
Si le signe de l’époque est la confusion, [il y a] à la base de cette confusion une rupture entre les choses et les paroles, les idées et les signes qui en sont la représentation. (Artaud, 1938 :10)"
Lien vers la ressource (vidéo, enregistrement audio, site web) : http://journals.openedition.org/multilinguales/1036