L'OBS SOCIÉTÉ TRIBUNE. « Réconcilions le peuple français avec ses policiers et ses gendarmes » / Mario Stasi (président de la Licra), 29 mai 2020

Type de ressource : site internet
Description de la resource : " [...] Les images ont choqué. Un flagrant délit de racisme, sous nos yeux. Des policiers en uniforme qui, ramenant une personne mise en cause pour un cambriolage, ironisent, écument même, sur les « bicots » qui « ne savent pas nager ». L’individu avait sauté dans la Seine pour échapper à son arrestation avant d’être repêché. Rien, absolument rien ne justifie la violence de ces mots racistes. Il serait vain, et même inacceptable de relativisme, de vouloir mettre en parallèle ces injures avec les faits reprochés à cet individu, avec le niveau de fatigue des policiers ou encore avec la difficulté de leurs tâches dans certains territoires. Le racisme n’est « indexable » à aucune excuse, à aucune justification. Rien, absolument rien ne justifie qu’un policier s’écarte ainsi de la déontologie et des valeurs de la République gravées au fronton du commissariat où il officie. Une enquête est en cours. Des sanctions sont demandées, nous les souhaitons exemplaires.
Une fois ces constats établis et les condamnations proclamées, il y a trois manières de voir les choses. La première emprunte les sentiers battus et rebattus de la facilité et de la généralisation. La deuxième se perd sur les routes sinueuses de l’aveuglement, de l’indéfendable et du déni. La troisième, enfin, préfère les chemins plus escarpés mais tellement plus ambitieux de la raison et du progrès. [...]
Les images ont choqué. Un flagrant délit de racisme, sous nos yeux. Des policiers en uniforme qui, ramenant une personne mise en cause pour un cambriolage, ironisent, écument même, sur les « bicots » qui « ne savent pas nager ». L’individu avait sauté dans la Seine pour échapper à son arrestation avant d’être repêché. Rien, absolument rien ne justifie la violence de ces mots racistes. Il serait vain, et même inacceptable de relativisme, de vouloir mettre en parallèle ces injures avec les faits reprochés à cet individu, avec le niveau de fatigue des policiers ou encore avec la difficulté de leurs tâches dans certains territoires. Le racisme n’est « indexable » à aucune excuse, à aucune justification. Rien, absolument rien ne justifie qu’un policier s’écarte ainsi de la déontologie et des valeurs de la République gravées au fronton du commissariat où il officie. Une enquête est en cours. Des sanctions sont demandées, nous les souhaitons exemplaires.

Une fois ces constats établis et les condamnations proclamées, il y a trois manières de voir les choses. La première emprunte les sentiers battus et rebattus de la facilité et de la généralisation. La deuxième se perd sur les routes sinueuses de l’aveuglement, de l’indéfendable et du déni. La troisième, enfin, préfère les chemins plus escarpés mais tellement plus ambitieux de la raison et du progrès.


D’aucuns, en effet, érigent cette affaire bien au-delà d’elle-même, agonissent d’injures l’institution policière, et extrapolent un fait pour en faire une vérité générale, faisant accroire l’idée que nos forces de l’ordre seraient le bras armé essentialisé d’un « racisme d’Etat », résumant d’ailleurs leur action aux seules banlieues, comme si toute l’activité de la police nationale s’y résorbait entièrement. Tout est prétexte à instrumentalisation par des groupuscules activistes d’extrême gauche intéressés à bien autre chose que la lutte contre le racisme : la haine de l’Etat, de la France et de ceux qui, en première ligne de la République, incarnent l’ordre et la sécurité. Chaque incident fait pour eux résonance politique, on accuse la police d’assassiner, ou de « massacrer », on veut transformer nos banlieues en suburbs de Los Angeles. Ceux qui hurlent peinent à masquer leur détestation de toute forme d’incarnation de la République, de l’Etat et de l’ordre public. Ils peinent à masquer leur haine du « flic » transformé en « salaud », applaudissant les voitures de police caillassées et les cocktails Molotov lancés pour incendier et pour tuer.
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D’autres s’enferrent dans une défense irraisonnée des incidents de racisme dans la police. Sans doute par réaction aux provocations des activistes mentionnés précédemment, certains ne veulent rien voir, adoubent les yeux fermés, au point de travestir la réalité, de nier en bloc sans jamais voir le détail, de contester par principe toute mise en cause des forces de l’ordre et de sécurité, leur accordant des brevets d’immunité corporatiste et figée. Ils refusent de voir l’amoncellement de la jurisprudence qui a pourtant rappelé à maintes reprises que le contrôle au faciès était une faute et qu’il n’est pas possible de contrôler, selon les mots mêmes du ministère de l’Intérieur, « la seule population dont il apparaît qu’elle peut être étrangère ».

Les derniers, dont je suis, considèrent qu’il faut rejeter l’un comme l’autre. Devant une situation aussi complexe et difficile, devant le risque inflammable de voir partir en fumée le lien qui nous unit à notre police, il est important de convoquer la rigueur et la réalité en éloignant les idéologies et les fantasmes. Il suffit pour cela d’être fidèle au serment moral fait par Germaine Tillion en 1941 et toujours valable, en toutes circonstances : « Sur le plan des faits : ne pas mentir, ne pas déformer, ne pas travestir. Sur le plan des idées, être de bonne foi, appeler chaque chose par son nom exact, et la juger avec une impartiale rigueur. […] Notre cœur est engagé à fond dans la cause de la patrie, mais notre esprit doit rester vigilant et clair, prêt à juger contre nous-mêmes si c’est nécessaire. »

La police et la gendarmerie ne sont pas les instruments d’on ne sait quel « racisme d’Etat », aussi vrai qu’il n’y a pas de lois racistes en France mais uniquement des lois antiracistes. Dans le même temps, il existe des incidents racistes dans une police qui n’échappe pas aux malheurs de notre temps. Cette noble institution est traversée par les mêmes périls. Et ce serait miracle qu’une administration aussi vaste et aussi nombreuse soit épargnée par le racisme et la xénophobie.

Dérapages individuels ou système institutionnalisé : faut-il avoir peur de la police ?
Il y a donc aujourd’hui urgence à sortir de la logique de l’affrontement véhiculé par ceux qui haïssent tout ce qui porte un uniforme comme ceux qui considèrent qu’il vaut immunité et passe-droit. Il y a urgence à remettre la question de notre relation à la police et à la gendarmerie au cœur d’un débat politique raisonné et sincère : nos forces de l’ordre ne sont pas extérieures à nous-mêmes. Elles sont nous-mêmes, elles nous représentent, elles agissent en notre nom, celui du peuple français. Elles ne sont pas notre ennemi. Elles assurent notre sécurité, personnelle et collective, au péril de leur vie : les attentats terroristes islamistes nous l’ont cruellement rappelé. Les défaillances de la police ne sont imputables qu’à nous-mêmes car elle agit selon un cadre et des méthodes définis par la représentation nationale. Si la question du contrôle au faciès demeure, c’est que tous les législateurs ont eu la main tremblante à l’idée de traiter cette question, laissant nos forces de l’ordre seules face à des injonctions parfois contradictoires. Si l’extrême droite se targue de nombreux soutiens parmi nos forces de police, c’est que, à quelques exceptions près, la République a cessé de leur parler le langage de la République. Si le racisme a gagné du terrain parmi nos forces de sécurité, c’est que rien n’est venu l’empêcher et le faire reculer efficacement en dehors des injonctions morales, des poings levés et des piloris médiatiques. [...] Il est urgent de réformer leurs pratiques professionnelles pour ne laisser aucune place au doute ou à la dérive. Il est urgent de mettre à l’ordre du jour de l’agenda des écoles de police et de gendarmerie une réforme profonde des apprentissages où l’enseignement des valeurs, de la déontologie et des principes tiendra au moins autant de place que celui du savoir technique et professionnel. Au XVIIIe siècle, le lieutenant général de police de Paris, Jean-Charles-Pierre Lenoir, écrivait que le rôle de la police était « de gouverner les hommes et leur faire du bien ». Si évidement le sens des mots de l’époque englobait une réalité bien plus large et bien naïve, il serait indispensable que sur les bancs de nos écoles où se forment nos gardiens de la paix, nos commissaires ou nos adjudants de gendarmerie, on renoue avec un état d’esprit qui fera taire les idéologues et leurs entreprises de déstabilisation en même temps qu’il fera reculer le racisme et l’antisémitisme.