I have a dream

Récit :

2050 est enfin le meilleur des mondes, celui où l’humain est redevenu le centre des préoccupations des dirigeants de notre pays, des fonctionnaires, des chefs d'entreprise, des enseignants, des agriculteurs, des parents, des gendarmes... Bref, même si tout n'est pas encore rose, nous sommes en bonne voie et le BIB (Bonheur Intérieur Brut, nouvel indicateur de mesure de la santé des pays de l'UE) est au plus haut depuis ses débuts, il y a 4 ans. Nous avons œuvré sur tous les fronts, bien sûr, pour en arriver là.


Pour ce qui est de l'univers numérique, voici le panorama en cette fin de première moitié de siècle, si attractif que les dix-huitards attardés pensent même nous rejoindre à leur tour.


D'abord et avant tout, le respect de la personne humaine est, là aussi, le fondement des acteurs du numérique. La transparence est totale. Sur notre Compte Unique Universel, nous pouvons gérer toutes nos données personnelles. Par exemple j'ai choisi de mettre mes goûts de lecture à disposition de certains libraires, mais je paramètre finement les suggestions qu'ils peuvent me proposer afin d'éviter tant l'overdose que la déculturation. Mes CGMDDP (Conditions Générales de Mise à Disposition des Données Personnelles) les empêchent d'utiliser mes données à d'autres fins que celles que j'ai définies, de les revendre, de traquer mes allées et venues sur la toile, de faire de la publicité intrusive, en un mot d'attenter à mes libertés. Toujours sur ce compte, je règle aussi le sort de mes données administratives, bancaires, professionnelles, sociales, conjugales, parentales, généalogiques... Avec mon Mot de Passe Unique sur 512 mégaoctets, validé par un fond d’œil et mon code ADN, c'est très pratique et totalement sécurisé. D'ailleurs la sécurité des données est devenue un non-problème puisque les efforts conjoints des états, des sociétés privées et des utilisateurs ont permis d'éradiquer le spam, le phishing, le tracking, les malwares, les hoax, les chevaux de troie et les vers à soie. Le coût de la sécurité est revenu au niveau de l'époque préhistorique de windoze XP, tout est rentré dans l'ordre.


En matière d'intelligence artificielle, le Comité d'Éthique Numérique, qui a un pouvoir de veto international, a défini les limites que les machines ne peuvent pas franchir. D'ailleurs, le pourraient-elles qu'elles seraient arrêtées tout de go par les gendarmes dont on a dit plus haut qu'ils n'avaient qu'une préoccupation, notre bonheur.


Un autre point écolo-important est celui de la consommation d'énergie. L'IDM (Internet Des Moyens), dont les transports connectés (genre avion, bateau, auto, moto, lego), la domotique, le smartvisiophone, les serveurs, les réseaux (ceux qu'on présentait dans les années 20 comme de fines toiles d'araignée et qui sont devenus des toiles à matelas), consomment beaucoup d'énergie, même si nous en sommes rendus à des gravures femtométriques (millionième de millionième de millimètre) et que la loi de Moore a catapulté nos processeurs à 8 milliards de puces par millimètre carré. Nos ingénieurs ingénieux ont donc trouvé un moyen imparable d'économiser l'énergie, le SSE (Sustainable Space Energy, oui là j'en conviens, depuis Apollo XI, les ricains sont toujours les plus forts). Les serveurs de notre planète, embarqués dans des satellites en orbite géostationnaire, sont refroidis "côté ombre" par des radiateurs au zéro absolu (-173,16 °C), tandis que le côté éclairé capte l'énergie du soleil pour l'alimentation en électricité et le maintien en orbite. Les données sont transmises sur terre par ondes électromagnétiques à des débits de 80 exabits/seconde (milliards de milliards). Plus de problème de bande passante, de micro-coupures, de zones blanches, de virus, de pirates...


Le meilleur des mondes, je vous dis. C'est si vrai que notre vigilance s'est émoussée, nous sommes redevenus insouciants, les vendeurs d’antivirus ont fait faillite, le mot paranoïa a disparu des dictionnaires.


Mais alors qu'est-ce qu'on s'ennuie !


Finalement j'en viens à regretter ce monde de dix-huitards où le web était si humain, avec ses incertitudes, ses aléas, ses dangers à tous les coins de rue, où l'on était tellement méfiant qu'on débranchait le wifi la nuit, qu'on collait un scotch sur les caméras de nos PC portables et qu'on ne répondait pas aux appels des numéros masqués...


Auteur : Hoppicker