Actu 11 - Atelier Formation intelligence collective - les clés de l'organisation horizontale

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Description : Salut, je suis Clara, bénévole chez colibris et aujourd’hui, j’écris un article sur un atelier-formation qui m’a permis de découvrir et surtout pratiquer ce qu’on appelle «les clés de l'organisation horizontale» proposé par Rami et Christophe. J’ai beaucoup aimé la formation car cette journée était articulée autour d’un grand jeu collectif et je pense que c’est en s’amusant que l'on apprend le plus (parfois même sans s’en rendre compte!), qu’on se découvre et surtout que l'on fait des rencontres.

J’avais envie de pratiquer réellement ce qu’on appelle l’horizontalité parce que pour moi, le défi de l’expérience humaine est avant tout de faire l’expérience de l’autre, du faire ensemble, être ensemble et vivre ensemble, de s’approcher de cette chaleur, celle qui fait de nous des « êtres humeur ».

Déroulé de la formation

Nous étions dans la situation d’un groupe de citoyens qui se réunissent à un conseil de quartier. L’adjoint au maire animait le débat et était mandaté par le maire pour nous soumettre une proposition : nous avions 200 000 euros de budget mis à disposition par la mairie pour développer la vie du quartier. On nous proposait donc un projet de piscine municipale et on ne nous donnait comme seul pouvoir que de choisir entre deux emplacements pour la construction de cette piscine. De cette proposition ont découlé des tas de discussions qui ont mis en lumière les mécanismes de groupes, forces, oppositions, mais aussi d’inclusion ou au contraire d’exclusion.


« LES PERSONNES SONT TOUJOURS LES BONNES PERSONNES AU BON ENDROIT, AU BON MOMENT »


J’ai retenu deux choses importantes de cette expérience.

1. L’importance de prendre de la distance avec nous-même : nous sommes des êtres humains, même si nous portons des masques. Il faut vraiment rester dans ce rapport humain et donc être disponible à la relation de groupe et à l’écoute active ! Ce n’est pas si facile quand on est porté par ses idées et valeurs.

2. Savoir s’organiser :
- Structurer la parole au maximum et savoir créer des opportunités d’expression pour chacun
- Faire le point régulièrement sur ce qui est dit
- reformuler, voire noter de manière visuelle les données récoltées : cela aidera énormément à la prise de décision car chacun a les mêmes informations sous les yeux.


Pour que vous puissiez vous familiariser avec ce qu’on appelle communément l’intelligence collective, j’ai préféré donner la parole à Christophe Dumais (1), co-fondateur du Centre de Documentation et de Recherche en Intelligence Collective (CDRIC), lors d’une interwiew : celui-ci a tenté de répondre à mes questions en partant de son expérience personnelle et professionnelle. Son témoignage, simple et pourtant riche, m’a donné envie de faire preuve de douceur, d’écoute, pour désamorcer certains rapports de forces présents dans tous les aspects de la vie, et améliorer ma relation aux autres mais aussi avec moi-même.

Qu'est ce qui t'amènes à faire cet atelier-formation ?

CD : Je suis ingénieur en informatique de formation et j’ai travaillé dans des entreprises de différentes tailles dont certaines prônent des valeurs à l'extérieur non mises en application au sein de l'entreprise. Je me suis vite rendu compte qu'à ce souci de cohérence s'ajoutait un système hiérarchique limitant qui bloquait des avancées importantes dans mon travail et empêchait les personnes d’exprimer leur créativité, leurs idées et simplement d'être eux mêmes. J’ai fini par partir de ma dernière boîte pour trouver ou construire un nouveau modèle de fonctionnement, remettre en question le "management" mais aussi questionner la place de l'ego et du contrôle en entreprise.



C’est quoi pour toi l’intelligence collective ?

CD : En m’y intéressant, je me suis rendu compte qu’une communauté grandissante gravitait autour de ce concept encore mal défini. Il existe aujourd'hui différentes définitions de l'intelligence collective dont certaines y associent la notion de synergie, mais pour simplifier, je ne donnerai pas une définition technique de ce terme mais mon approche sur le sujet : je propose de définir et mettre en place collectivement une culture partagée qui, en favorisant de nouvelles habitudes, permet entre autre de transformer nos comportements néfastes (envers nous ou envers les autres), d'améliorer la qualité de la relation que l’on a avec les autres tout comme la qualité de la prise de décision collective. Un exemple très concret de mise en oeuvre dont on a parlé lors de la formation est l'instauration d'un cadre de sécurité relationnel posé ensemble au démarrage d'une rencontre. Il existe tout un ensemble de méthodes, d'outils et de pratiques qu'il serait difficile de résumer ici. En réalité c'est un nouveau champ disciplinaire à part entière qui s'ouvre de plus en plus aujourd'hui que d'ailleurs encore trop peu de "chercheurs" explorent. Rami Brahem (2), le co-formateur de cette journée, en fait partie et c'est l'un des plus expérimentés sur le sujet que je connaisse. Il se définit d'ailleurs plutôt comme un penseur-acteur que comme un chercheur.

Ceci étant dit, l'intelligence collective passe aussi par une évolution personnelle selon moi car lorsque l'on prend conscience des jeux de pouvoir et des manières de les éviter et d'instaurer des relations plus saines valorisant chacun, il faut être de mauvaise foi pour vouloir « revenir en arrière », c’est à dire vouloir rester dans un rapport de force constant avec l’autre. C'est sûr que cela demande un travail sur soi mais sans ce travail on est quotidiennement dans un bras de fer avec chacun mais aussi avec soi-même. Au contraire, on peut choisir de rentrer dans la coopération et établir des rapports beaucoup plus sains et efficaces (on parle alors de synergie positive) avec les autres tout en se respectant soi.


Comment pratiquer l’intelligence collective ?

CD : Pour commencer, au-delà d’aller chercher des outils et méthodes qui existent, il faut changer sa posture personnelle : on doit se responsabiliser (notamment se demander comment j’aurais pu mieux faire plutôt que d’accuser l’autre), comprendre les enjeux du moment (personnels et collectifs) et être vigilant à l’influence que l'on peut avoir sur les autres (ex : on peut facilement exclure quelqu’un d’un groupe sans en avoir conscience). Il y a ensuite tout un tas de comportements et de méthodes (comme l'écoute active) à disposition pour améliorer les relations avec les autres et déployer plus de synergie (voir par ex. la théorie du U d'Otto Scharmer).


Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui aimerait mettre en place un cadre de coopération avec une autre personne ?

CD : Je lui conseillerais de bien définir l'intention commune/partagée et de co-construire un cadre qui rende à la fois chacun libre d'être et de faire; et à la fois dans lequel on se sent en sécurité.

Il s’agit de mettre en place un fonctionnement et une culture "gagnant-gagnant".

Il faut tout de même rester vigilant car les mauvaises habitudes ont la vie dure. Si on se retrouve confronté à un rapport de force il faut savoir le percevoir et essayer de le désamorcer, c’est à dire le mettre en lumière (à ses yeux et aux yeux de l’autre), rappeler le cadre commun et voir si chacun veut sortir de ce rapport de force.

Si cela n’est pas possible, il y a différentes postures qui permettent de sortir de ce rapport de force dont l'écoute active que j'ai cité précédemment (https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89coute_active).



Si j’applique cette situation à un cas pratique en prenant l'exemple de ma fille : quand elle rentre dans un rapport de force avec moi, quand elle tente par exemple de m'imposer des choses, je lui explique qu'elle est en train d'établir un rapport de force et que cela ne me convient pas, que si elle veut vraiment continuer comme ça, c'est possible, mais qu'elle sera alors perdante vu que le rapport de force est en ma faveur.

Je lui dit ensuite que si elle aussi est d’accord pour améliorer la situation, il faut qu’elle m’exprime ses besoins afin que je les prenne en compte. Vu son jeune age, je commence souvent par exprimer les miens en premier pour donner l'exemple et qu'elle les prenne en considération avant d'écouter les siens sincèrement. Le simple fait de lui rappeler que nous avons tous des besoins et des les exprimer désamorce souvent la situation. On trouve alors ensemble une solution commune qui prend en compte nos besoins respectifs. On se sent respectés l'un l'autre et on entre dans un rapport gagnant-gagnant plutôt que dominant-dominé.


Dernier point important : cette posture demande de l'énergie quand on en a pas l'habitude (on peut facilement retomber sinon dans les vieux schémas "dominant-dominé"), il est donc important de bien savoir gérer son énergie en étant vigilant à ce qui nous en fait perdre ou gagner dans notre environnement quotidien.


Selon toi, les gens sont-ils réceptifs à l’intelligence collective ?

CD : Bien sûr, je dirais même plus : cela fait des années qu’on en entend de plus en plus parler et on constate un réel engouement pour ces pratiques en ce moment ! Il suffit de voir l'intérêt grandissant pour la CNV (Communication Non-Violente), le mooc (cours en ligne) de l'UDN (Universite du Nous) « gouvernance partagée » sur la plateforme des Colibris qui a fait 17 000 inscrits cette année ou le succès que rencontre le livre de Frédéric Laloux « reinventing organizations ».

Les gens ont aussi envie de comprendre comment on peut mettre en place une “réelle démocratie” à l’échelle du pays. On a déjà des méthodes qui le permettrait mais malheureusement je trouve que l’on ne voit pas assez d’applications concrètes par manque de volonté politique mais aussi par manque de communication et d'appropriation des citoyens.


Quels sont tes projet pour l’avenir ? Ton objectif final ?

CD : J’aimerais pouvoir partager au plus grand nombre cette nouvelle culture et ses applications qui permettent de sortir du rapport "dominant-dominé" (et ainsi de déployer plus d’intelligence collective). Au plus grand nombre parce que pour moi, c'est une réelle alternative à appliquer partout que ce soit en entreprise, dans les institutions mais aussi dans la famille et en réalité dès qu'il y a un besoin de vivre ensemble, d'être ensemble et de faire ensemble. C'est pour cela que nous avons lancé le CDRIC, le Centre de Documentation et de Recherche en Intelligence Collective (www.cdric.co) que nous espérons devenir rapidement une plateforme de partage très riche et accessible à tous. Avec un groupe suffisamment étoffé nous pourrions récolter et produire un contenu de qualité (n'hésitez pas à nous rejoindre : contact@cdric.co).



Concernant l’objectif final, ce que nous portons avec Rami Brahem (et d'autres) c’est une véritable alternative à la société capitaliste et à ses dérives que l'on connaît.

Nous voulons notamment repenser l'entreprise et sommes en train de poser les bases d'un modèle incarnant le concept d'Horizontalité. Ce concept mal connu, issu de nombreuses observations de pratiques à travers les âges et les continents (il y a eu une conférence sur le sujet à Lyon en début d'année) est clairement défini dans le livre que Rami Brahem est en train de terminer et nous voulons l'incarner.

A terme, nous comptons rendre l'Horizontalité et les pratiques qui en découlent accessibles à tous par le maximum de biais possibles : conférences, formations, accompagnement au changement d'organisation, vidéos en ligne, livres, outils numériques (voir www.OrgBook .co), jeu de société, jeu vidéo éducatif (serious game), etc. en se basant notamment sur l'enthousiasme pour mieux apprendre et sur l'émergence du besoin pour mieux s'approprier les choses.

C’est avant tout une volonté de participer activement à la transformation de la culture de notre société qui me pousse à faire ce que je fais et je constate qu'il en est de même pour tous ceux qui nous accompagnent dans cette aventure.


Pourquoi l’intelligence collective comme levier d’un changement social ?

Je pense qu’il est possible que chacun d'entre nous s'approprie ces postures (le savoir être), ces méthodes et ces outils et que tout cela devienne naturel car inculqué et pratiqué régulièrement même dès le plus jeune âge. Comme l'on pourrait par exemple, passer dès maintenant du Monopoly à des jeux coopératifs ludiques, les actions concrètes sont nombreuses, à commencer pas un travail sur sa posture personnelle.

Cela pourrait aussi passer par les programmes pédagogiques scolaires qui s’enrichiraient alors de matières telles que la dynamique de groupe, la communication non violente voir même l'étude du champ disciplinaire de l'Intelligence Collective en étude supérieure au même titre que les autres champs incluant thèses, recherches académiques, etc.

Ce qui est flagrant c'est que les générations actuelles ont réellement envie de faire autrement et que de ces nouvelles pratiques va émerger une nouvelle société. Sachant les défis qui nous font face, il est crucial que le plus grand nombre s'y mette !






L’objectif de cette formation "les clés de l'organisation horizontale" était d’observer et comprendre les mécanismes d’un groupe qui veut faire ensemble de manière horizontale au travers d’un jeu de rôle (la gestion d'un budget participatif). Sous le format de l’expérimentation, puis du bilan de cette expérience, l’idée était de donner des clés de compréhension de ce qu’il peut se passer en société (exemple: problème du vote à la majorité, les faux débats, etc.). Christophe et Rami, nos encadrants, étaient les maîtres du jeu influant sur nos interactions par des rôles pré-conçus et une mécanique de jeu particulière, ils nous ont apporté une vue théorique et pratique sur l'organisation horizontale.






Intervenants :
(1) Christophe Dumais est co-fondateur du Centre de Documentation et de Recherche en Intelligence Collective, passionné par ce vaste domaine et la transmission des pratiques qui en découlent. Dans une posture de recherche-action permanente, il tire de ses expériences du terrain des pratiques qu’il diffuse et enrichi dans différents types d’organisations que ce soit en entreprise en tant que formateur et consultant, dans des associations diverses (Alternatiba, la Gonette, ...), en assemblée de co-propriété, ou dans le milieu éducatif en institut d’enseignement supérieur.

(2) Rami Brahem est un penseur-acteur qui a co-organisé diverses organisations non hiérarchiques de tailles variées en France et en Tunisie, où il a notamment participé au processus révolutionnaire. Il termine un livre sur le concept de l’horizontalité issu de sa longue pratique, de partages d’expériences à un niveau international (dont les mouvements Occupy ou celui du 15M en Espagne) et de recherches pluridisciplinaires qui touchent aussi bien aux sciences politiques qu’à la sociologie, l’anthropologie, le management collaboratif, l’étude de mouvements sociaux ou le champ disciplinaire de l’intelligence collective. Il y présente une alternative politique au système pyramidal capitaliste.
Etat : En cours